L’étude des OVNIs façon Pierre Viéroudy

Rédigé par Basile le — Publié dans OVNI

Pierre Berthault, alias Viéroudy (décédé en 2001), a proposé dans les années 1970 une approche parapsychologique du phénomène OVNI. On lui doit le livre intrigant: Ces OVNIs qui annoncent le surhomme, et aussi plusieurs articles dans la Revue de Parapsychologie, publié alors par un groupe de parapsychologues parisiens, le GERP. Deux anciens articles de Pierre Viéroudy (photo ci-contre, GERP) viennent d’être mis en ligne sur le site du GERP, ce qui nous permet d’avoir une vue plus large de son apport. Accrochez-vous, on décolle…

OVNIs et sujets Psi


Dans «Les témoins d’OVNIs sont-ils des sujets Psi?» (Revue de Parapsychologie N°6, 1978), Viéroudy est à la recherche de critères définissant les personnes rapportant des témoignages d’OVNIs. On constate que les témoins proviennent de toutes les couches sociales de la population, ce qui n’apporte finalement pas grand-chose. Il montre alors, par ses propres enquêtes personnelles (à l’époque, on devait prendre patience et sa voiture, il ne suffisait pas d’aller sur ufofu…), que 60% de son échantillon de témoins rapportent aussi des phénomènes psi. Il cite à ce propos une vingtaine d’exemples. Les témoins d’OVNIs sont-ils des sujets Psi? La question semble assez rhétorique chez Viéroudy…

Il décrit aussi d’autres aspects: ces témoins ont souvent vécu plusieurs observations (jusqu’à 15 pour Mme B. de Florange), et il y a souvent des observations faites en famille, ou au sein d’une même famille, suggérant quelque chose d’héréditaire. Sauf que Viéroudy appelle «Sujet Psi» n’importe quelle personne qui rapporte avoir vécu un phénomène apparemment paranormal, sans avoir d’outil pour vérifier l’authenticité de ce dire. Il décrit un portait-type bien fourni du témoin d’OVNI, à confirmer avec un échantillonnage plus large, qui correspond trait pour trait à celui du médium capable de matérialisations décrit par les métapsychistes.

Plus amusant encore, les hypothèses abordées pour expliquer ce lien entre témoins d’OVNIs et sujet Psi: soit c’est un coup des extraterrestres, soit c’est l’OVNI qui ne serait visible que pour les sujets ayant une sensibilité Psi, soit c’est les sujets Psi qui parleraient plus facilement de leurs observations (hypothèse de la marginalité lancée par Aimé Michel), soit – quatrième et dernière hypothèse qui a la préférence de Viéroudy – le phénomène OVNI serait induit par les facultés Psi latentes du groupe humain. Le témoin n’est pas qu’un spectateur: il participe inconsciemment à la matérialisation du phénomène.

Cette voie de recherche de Viéroudy est tout à fait tenable: tenter d’identifier le profil type du témoin d’OVNI plutôt que simplement chercher à objectiver un récit. Si c’est fait proprement, cela peut conduire à soutenir un modèle psychosociologique tout comme un rapprochement avec les personnes qui seraient capables de «Psi».

Vague analyse des vagues d’OVNIs

La deuxième voie de recherche à laquelle il s’est exercé fut une sorte de sociologie à base statistique des observations d’OVNIs. Autant le dire tout de suite, son exercice ne fut pas brillant car on lui avait suggéré une méthode d’analyse statistique inadaptée. Dans «Vagues d’OVNIs et Psi collectif» (Revue de Parapsychologie, n°6, 1978), il pousse un peu plus sa recherche, inspirée de celle de Jung, rapprochant le phénomène OVNI de la manifestation d’une faculté Psi latente dans la collectivité humaine. Il dit que les enquêtes réalisées par les autres ufologues brident généralement les données psychologiques et sociologiques qui seraient utiles pour éclairer cet aspect. L’idéologie ambiante a fait que la plupart ont cherché des corrélats physiques aux vagues d’OVNIs, n’obtenant pas de corrélations robustes permettant des prédictions. Viéroudy cherche lui des corrélats psychologiques.

Pour ce faire, Viéroudy souhaite comparer vagues d’OVNIs et périodes d’angoisse de la population. Il se place alors dans la continuité des travaux psychosociologiques de Durkheim sur le suicide: le suicide représente un phénomène constant que ne peuvent expliquer les actes individuels, mais qui résulte plus d’un conditionnement d’ensemble, influence familiale, sociale, religieuse, etc. Aujourd’hui, plus personne n’est choqué quand on parle de taux de suicide dans telle ou telle population. Pourtant, cette forme de causalité sociologique fit une révolution lors de sa publication au début de XXe. La même chose pourrait-elle s’appliquer avec les taux d’OVNIs?

Viéroudy se rapproche intelligemment de ces travaux mainstream, car il retrouve des éléments pas si éloignés de son propos. Le suicide a effectivement une fonction d’appel: c’est souvent comme une sonnette d’alarme, un cri adressé à d’autres êtres humains. Pour Viéroudy, on pourrait trouver chez le témoin d’OVNI la même sollicitation consciente ou inconsciente des autres. Cela se rapproche également du message à décrypter émis par la personne au centre d’un Poltergeist.

De même, un lien entre tentative de suicide et «apparitions» avait été mis en évidence dans plusieurs cas spontanés, notamment le prof de psychologie et métapsychiste Théodore Flournoy. Le phénomène psi jouerait alors un rôle salvateur: selon Flournoy, ces apparitions se manifestent pour protéger ou diriger l’individu, dans une sorte d’automatisme téléologique. On peut également penser au cas classique rapporté par Bergson d’une personne se faisant arrêter par un groom devant la porte d’un ascenseur au dixième étage d’un immeuble, avant de se rendre compte que la cage d’ascenseur n’était pas au bon pallier, et que de groom il n’y avait miette. L’apparition, construite psychologiquement ou parapsychologiquement, avait permis de transmettre rapidement le message opportuniste permettant sa survie.

Revenons à Viéroudy: il propose de chercher dans des facteurs sociologiques «l’inquiétude» qui pourrait engendrer des témoignages d’OVNIs. C’est parti pour des corrélations entre vagues d’OVNIs et chiffres du chômage (en France et en Espagne), ou avec l’activité économique, les crises politiques (exemple en Roumanie), ou des stimulations dans les médias jouant le rôle de «déclencheurs psychologiques». Comme nous l’avons dit, l’idée est intéressante mais les corrélations signalées ne sont pas établies correctement.

Vers une ufologie expérimentale

On gagne à connaître Viéroudy qui, malgré tout, a proposé un autre regard sur le phénomène OVNI, celui qu’on appellerait aujourd’hui d’une sociopsychologie non réductionniste utilisant les méthodes des sciences classiques, et pas seulement l’enquête ou le verbiage. Le milieu du GERP était très propice à ce travail, et compte plusieurs travaux dans cette veine de François Favre ou encore Michel Duneau. Par la suite, Viéroudy va chercher à expérimenter la possibilité que des groupes d’enthousiastes puissent produire des observations conformes à leurs attentes, selon le modèle des expériences sur les ectoplasmes de la métapsychique ou du groupe de sensitifs du brésilien Uchoa en 1967. Il ira jusqu’à tester des prédictions sur le lieu et les caractéristiques du prochain phénomène OVNI qu’on lui rapporterait, ce qui revenait à vérifier si ces observations ne pouvaient pas se réduire à des «événements psi».

Voici ce qu’il en dit dans «Signification archétypique des OVNIs» (Revue de Parapsychologie, n°15, août 1983; lors de la discussion suite à la présentation):

«Pierre Viéroudy: Depuis 1974, j’ai tenté, avec quelques autres chercheurs, de provoquer des apparitions de type ovni. Nous nous mettions en auto-hypnose avec des motivations adéquates, dans ce « sommeil » particulier dont vous parliez, bref en situation psi. Des apparitions ont eu lieu, mais qui n’avaient pas les formes ovni classiques. Elles étaient mimétiques, en ce sens qu’elles imitaient des réalités naturelles, une apparence d’étoile ou une apparence d’avion; mais elles ne pouvaient être ni l’une ni l’autre, de par leurs comportements (apparitions-disparitions sur place, marche arrière, chutes brutales, etc.). D’où des difficultés d’interprétation. Ce n’est qu’ultérieurement que nous avons compris que les apparitions ovni spontanées avaient une signification beaucoup plus profonde que celles produites, « incubées » expérimentalement. C’est d’ailleurs le cas habituel quand on compare le psi spontané et le psi expérimental (où le conflit est essentiellement scientifique). Les matérialisations que j’ai observées, mimétiques de notre environnement nocturne, me semblent donc liées au contexte affectif de la situation. Et ceci renvoie à la question générale, dont nous débattions, de l’origine et de l’interprétation des symboles.


Par ailleurs, processus élusif bien connu des métapsychistes qui étudièrent les ectoplasmes et qu’a relevé Bertrand Méheust à propos des ovnis, les apparitions disparaissaient le plus souvent au moment même où j’allais les photographier, avec un spectrographe de ma fabrication. Voilà donc un autre aspect de l’ambiguïté psychosomatique que vous évoquiez. La quinzaine de photos que j’ai néanmoins obtenues montrent, entre autres, des spectres continus pouvant appartenir à des plasmas, mais pas de spectres à raies d’émission intense que prédit le modèle MHD de Viton et Petit.»

Et le commentaire d’un des participants à cette expérience aventureuse laisse un témoignage encore plus étonnant:

«J. Giraud: J’ai participé aux expériences de Pierre et je voudrais citer la plus troublante, obtenue avec la collaboration d’un ufologue corse, M. Dufour, également sujet psi. Le protocole était le suivant: Dufour m’envoyait une enveloppe cachetée que je ne devais ouvrir qu’à une certaine date. Lorsque je l’ouvrais, j’y trouvais le lieu, déterminé par des coordonnées sur carte d’état-major, le jour et l’heure auxquels devait se produire une observation, selon ce sujet psi. L’étonnant, c’est qu’on a obtenu très fréquemment – ces jours-là et à ces endroits-là – des observations faites par des personnes qui n’étaient pas du tout au courant de nos expériences. Ainsi, un jeudi, je reçois l’enveloppe attendue, cachetée et à n’ouvrir que le dimanche. Le vendredi soir, j’avais une réunion de mon groupe ufologique. Lorsque j’arrive à cette réunion, la secrétaire me donne une adresse en me disant: « Il y a un instituteur qui veut vous voir, car un de ses élèves a vu quelque chose. » Étant très occupé, je ne l’ai rencontré que quinze jours plus tard. Entre temps, j’avais appris que Dufour espérait une observation sur Montluçon d’un engin en forme de dôme hémisphérique, sombre, avec bourdonnement et lumières clignotantes. Or c’est précisément ce que cet élève avait vu à Montluçon. J’aurais donc pu connaître ce cas avant même d’avoir connaissance de la cible. S’agissait-il de PK ou de prémonition? Le protocole ne permettait pas de trancher. Mais les expériences sont là: nous avons obtenu 40% de réussite!»

Des idées pour une ufologie expérimentale?

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27 réponses à “L’étude des OVNIs façon Pierre Viéroudy”

  1. NEMROD34 dit :

    Pareidolie: http://fr.wikipedia.org/wiki/Pareidolie

    Oui sans voir voir la photo je dis Pareidolie …

  2. JAILLAT Jean-Jacques dit :

    Mon article du n°3 de la Revue des SV s’intitulait « Les matérialisations OVNI ». L’ajour « Ces OVNI qui surgissent du neant » est de l’éditeur. Je ne me reconnais pas dans cet ajout. Philosophiquement, et sur un plan général, je considère que de l’être ne peut naître du non-être. Par ailleurs, je n’ai jamais été « tenté » par la parapsychologie pour rendre compte du phén.OVNI. Ce serait, me semble-t’il,ramener et réduire ledit phénomène à du parapsychique. Dès cette époque, -et cela a été mal compris-j’ai estimé que OVNI et Parapsy relevaient d’une réalité autre plus générale.
    Cet article date(1977).Je ne considère plus que le phén.OVNI est produit par le psychisme humain.Mes analyses se sont affinées,nuancées.Mais il me paraît qu’il existe une interelation entre les phén.OVNI,psy … et le nature du psychisme.Ces phénomènes relèvent bien d’une réalité extérieure à nous, mais « quelque chose » nous relie à eux, et c’est cette interrelation que j’étudie avec soin.Jean Sider me semble proche de la réalité du phénomène, c’est à discuter.