Quand la magie ressemble (trop) au paranormal: Houdini et Conan Doyle

Rédigé par JC le — Publié dans Insolite, Paranormal, Voyance/médiumnité

Dans le contenu en ligne de l’édition juillet/août 2006 du Skeptical Inquirer – la revue du CSICOP -, on peut lire un petit article racontant l’histoire d’une étrange démonstration faite par le magicien Harry Houdini (à droite sur la photo) devant Arthur Conan Doyle (à gauche sur la photo), le père de Sherlock Holmes, démonstration qui avait pour but de convaincre l’écrivain que des trucages pouvaient expliquer les manifestations spirites. Sir Conan Doyle était quant à lui convaincu de la réalité des phénomènes spirites, notamment que la conscience humaine peut survivre à la mort et qu’il est possible de communiquer avec les personnes décédées par le biais de médiums.

C’était au début des années 1920 (la date précise n’est pas fournie mais on sait que le magicien et l’écrivain étaient amis entre 1920 et 1922) et les faits sont racontés par Bernard Ernst, l’avocat de Harry Houdini.


Comme je n’ai pas trouvé de site racontant cette histoire en français, je vous donne les éléments essentiels de ce tour de magie pour le moins stupéfiant. Il a été réalisé avec les accessoires suivants : une ardoise de 46 cm sur 38 cm, des fils, des petites boules de liège de 2 cm de diamètre, une cuillère et un pot d’encre blanche.

À la demande d’Houdini, Arthur Conan Doyle suspend l’ardoise au plafond, au milieu d’une pièce, à l’aide de deux fils fournis. Il choisit ensuite une des boules de liège et la plonge dans l’encre blanche. Puis, on lui demande de sortir et d’écrire les mots de son choix sur un morceau de papier. Il marche trois pâtés de maisons et s’exécute. Quand il revient dans la pièce, Houdini le prie de prendre la boule de liège avec la cuillère et de la placer sur l’ardoise. À sa plus grande surprise, la boule se met à bouger d’elle-même et trace les mots «Mene, Mene, Tekel, Upharsin», une citation biblique. Arthur Conan Doyle reste bouche bée : il s’agissait bien de l’expression qu’il avait lui-même choisie et notée sur son papier.

Voilà. Houdini jure qu’il s’agit bien d’un truc mais, devant un phénomène qu’il est parfaitement incapable d’expliquer, Conan Doyle ne le croit pas et conclut que le magicien possède des pouvoirs paranormaux. Étonnant, n’est-ce pas?

Maintenant vous voudriez bien savoir comment Houdini a pu réaliser ce truc, non? Mystère, mystère… Heureusement, le même article donne des éléments de solution. Pendant que Conan Doyle est sorti de la pièce pour écrire les mots à deviner, Houdini remplace la boule de liège par une autre dont le centre est en fer et, alors que l’écrivain s’affaire à la placer sur l’ardoise, le magicien consulte les mots écrits sur le papier (voir les détails dans les commentaires). Ensuite, Houdini transmet les mots de façon codée à un assistant caché qui s’empresse de les reproduire sur l’ardoise.

Dans un truc similaire du magicien Max Berol, cette dernière étape était réalisée à l’aide d’une tige pourvue d’un aimant à son extrémité. Ici, on s’imagine mal comment Conan Doyle, tout croyant au spiritisme qu’il était, n’ait pas pensé à regarder de l’autre côté de l’ardoise au moment où les mots étaient écrits. Peut-être était-il trop sidéré par ce qu’il voyait, et on ne peut douter qu’Houdini ait fait tout ce qu’il pouvait pour diriger son attention ailleurs. Toujours est-il qu’on ne le saura jamais parce qu’Houdini n’a jamais révélé son truc.

Évidemment, cela ne signifie pas nécessairement (comme Houdini le croyait) que toutes les manifestations spirites de la belle époque ont été des tricheries, même s’il est vrai que bon nombre des plus grands médiums ont déjà été surpris en train de frauder, à un moment ou un autre de leur carrière.

En outre, au-delà des fraudes, des manifestations apparemment paranormales peuvent parfois s’expliquer de façon naturelle (oui, je sais que les sceptiques de la ligne dure remplacent le «parfois» par un «toujours» ;-) ). Sur le site d’un de ceux-ci, Henri Broch de l’Université de Nice-Sophia Antipolis (France), on peut voir l’exemple frappant d’un «médium» qui déclare être capable de faire claquer la porte d’une pièce en se concentrant. Bref, de la télékinésie, psychokinésie ou psychokinèse.

Henri Broch examine ce sujet, qui se présentait pour réclamer le prix de 200 000 euros (Prix-défi Broch-Majax-Theodor) offert à la personne qui pourra démontrer un pouvoir paranormal dans des conditions contrôlées, et constate qu’il est effectivement en mesure de produire ce phénomène.

Seulement voilà, le candidat ne réussit à produire cet effet que dans une très petite pièce. Si petite, en fait, que le gonflement de ses poumons (et à 1,97 m, sa cage thoracique est plus grande que la moyenne) réduit suffisamment le volume d’air de la pièce pour que l’augmentation de pression associée puisse exercer une force sur la porte, car la pression qu’exerce un gaz varie en raison inverse du volume qu’il occupe.

Le phénomène ne se produit que lorsque la porte est presque fermée, ce qui confirme l’hypothèse le chercheur. Je vous laisse lire les détails et les calculs dans l’article Psychokinèse ?… Myokinèse ! La loi des gaz parfaits en pleine action.

Il est vrai que cet exemple, étonnant à première vue, est toutefois assez simple à résoudre. Même sans connaître la loi des gaz parfaits, il suffisait de remplacer le «médium» par une personne normale qui imite son comportement (sa respiration), ce qu’Henri Broch et un collègue ont d’ailleurs fait pour produire les mêmes effets.

Ici, il est probable que le créateur du célèbre détective ne s’y serait pas laissé prendre. Quoique… il a aussi eu l’affaire des fées de Cottingley ;-)


Et dans la catégorie «explications naturelles de phénomènes qui semblent dépasser la raison», on pourrait également mentionner les étranges effets des vibrations à basse fréquence (voir Une maison hantée par… les infrasons?).

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8 réponses à “Quand la magie ressemble (trop) au paranormal: Houdini et Conan Doyle”

  1. François dit :

    Ce qui m’intrigue : comment Houdini savait-il que Doyle laisserait « négligemment » le papier ainsi facilement lisible?

  2. Paul dit :

    Robert Houdin, l’inspirateur et modèle de Houdini, joua lui aussi les faux-vrais magiciens dans des circonstances surprenantes. Il fut envoyé par le gouvernement français en tournée dans l’Algérie récemment (et brutalement) conquise pour y faire la preuve que la « magie » française était supérieure à celle des « marabouts » locaux, dont il s’agissait de combattre l’influence. Il s’acquitta de sa tâche avec beaucoup de zèle et de talent, avec notamment un numéro d’invulnérabilité aux balles qui lui causa des sueurs froides lorsqu’un spectateur « zététicien » le mit au défi de le réaliser avec son propre pistolet, non truqué !

  3. JC dit :

    Bonjour François et merci pour votre très bonne question. Après vérification, il semble qu’à trop vouloir abréger, j’avais mal interprété cette partie du truc d’Houdini (j’ai modifié le billet en conséquence). Voici l’explication plus détaillée tirée de l’article cité : le magicien demande le papier à Conan Doyle (simplement pour «vérifier» qu’il est bien plié) et le lui rendre immédiatement. Mais, en réalité, il lui tend un papier vierge identique et conserve l’original dans le but de consulter discrètement les mots écrits. Il transmet ensuite cette information à son assistant sous forme codée (dans la conversation qui suit, probablement grâce à des trucs de mentalistes). À la fin, il demande le papier de Conan Doyle afin de vérifier si les mots écrits sur l’ardoise sont les bons et récupère donc la feuille vierge de l’écrivain (à ce point, Houdini possède les deux papiers: le vrai et le faux). À la fin, il rend le papier original à Conan Doyle. Heureusement pour Houdini, Conan Doyle n’a apparemment pas eu l’idée de jeter un coup d’oeil sur sa feuille entre les deux «vérifications» du magicien. La main est plus rapide que l’oeil ;-) . Voilà.

  4. JC dit :

    Paul, merci pour vos informations, c’est très intéressant.

  5. François dit :

    Eh bien, quel roublard ce Houdini. L’ingéniosité alliée à la simplicité du truc est admirable et la complicité involontaire de Doyle qui veut tellement croire est presque touchante.
    Riche anecdote, merci et merci pour votre site vraiment passionnant!

  6. balthazar dit :

    On trouve quelques anecdotes, dont celle-ci sur l’amitié entre Houdini et Conan Doyle, dans le roman « Nevermore » de William Hjortsberg, publié dans la série noire de Gallimard en 1997.

    L’auteur, si mes souvenirs sont bons, prend le parti du paranormal (mais bon, c’est de la fiction).

  7. JC dit :

    Merci Balthazar, il y a les références et un court résumé de ce roman sur le site de Gallimard.

  8. nguyen phuoc khanh dit :

    Monsieur ,

    Je cherche à contacter le professeur Henri Broch
    pour lui signaler que le magnétisme est une pratique
    courante au VietNam .Les gens lamda suivent le cours et arrivent à aspirer les cuillères ou d’autres objets métalliques .Les doués magnétisent les assiettes ou les chaise pliantes .Il n’y a pas de truc , ni de mystères .Il suffit de suivre le cours et un peu d’ entraînement .Le professeur est un médecin qui a suivi pendant 4 à 5 ans les cours de radiesthésie à MontPellier !.Mr Du Quang Chau .
    Voici son site au VietNam
    http://www.camxahoc.com/
    Je pense que la reproctibilité garantit l’ objectivité du phénomène de magnétisme car on peut apprendre pour aspirer soi-même les objets métalliques .Au VietNam le magnétisme sert de quérison le rhumatisme en combinant avec l’acupuncture.
    Ls site est en vietnamien mais vous pouvez écrire à Mr Du quang Chau ,francohone et professeur zététique à Saigon et à Hanoi.
    Les cours sont suivis par les personnes de tous les âges .
    Voici quelques photos pris pendant le cours sans trucage
    http://www.camxahoc.com/module.....38;catid=3