Un tour du monde de la parapsychologie

Rédigé par Basile le — Publié dans Parapsychologie

Il est assez difficile de s’informer sur ce qu’on fait vraiment en parapsychologie. Rien qu’en francophonie, le terme est utilisé à toutes les sauces, du salon de la parapsychologie au parapsychothérapeute. On nous annonce aussi des chaires et des laboratoires de parapsychologie de par le monde, mais qu’en est-il vraiment? Difficile de le savoir si on ne lit pas au moins l’anglais, et qu’on n’est pas un patient adepte du déterrement de pages web. Aujourd’hui, les choses ont changé. Internet a facilité la matérialisation d’une communauté de parapsychologues oeuvrant dans le monde entier avec une interface basée sur l’anglais universel. Et c’est ainsi que deux nouveaux documents viennent d’être publiés: la liste des cours «sérieux» de parapsychologie près de chez vous ou on-line, et surtout le Livre blanc de la parapsychologie (PDF) publié sur le site de l’Institut Métapsychique International (logo ci-contre).

Il est interdit de faire de la voyance sur la copie du voisin!


C’est la Parapsychological Association, le regroupement des «professionnels» de la parapsychologie, qui vient de mettre en ligne une liste des cours de parapsychologie qui permettent d’aborder ou d’approfondir ce champ. La liste n’est apparemment pas complète, car elle manque certains cours comme celui du psychiatre Paul-Louis Rabeyron à l’Université Catholique de Lyon. Ce petit cours optionnel bat des records de longévité en la matière, puisque cela fait 15 ans qu’il perdure, même si sa durée est entre temps passée de 36 à 12h.

On constate néanmoins que 18 universités et plusieurs instituts dans le privé proposent des cours de parapsychologie, allant du cours optionnel apportant quelques crédits jusqu’au Master Recherche ou au Doctorat spécialisés. Ces opportunités officielles en inquièteront certains, assurément. Est-ce l’annonce que la fin de la science est proche? Après les assauts des créationnistes et des astrologues, voici maintenant que les parapsychologues ont lentement envahi la forteresse académique. Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir à enseigner d’une science dont même la légitimité est contestée?

Certains se diront que les parapsychologues ont eu l’université à l’usure, puisque c’est dans les années 1930 que Joseph Banks Rhine ouvre le premier laboratoire universitaire de parapsychologie à l’Université de Duke, aux États-Unis. Avant lui, John Edgar Coover, un des premiers Américains à employer les méthodes statistiques en parapsychologie, avait reçu le financement de T.W. Stanford pour un poste de chercheur au département de psychologie de l’Université de Stanford. Le poste exista de 1912 à 1937, mais l’argent fut majoritairement détourné pour des recherches purement psychologiques.

De fil en aiguille, d’autres universités américaines s’ouvraient à la parapsychologie. De même en Europe, mais de façon plus restreinte. Puis la situation s’inversa dans les années 90. L’impulsion vint de la chaire de parapsychologie financée par un legs du romancier Arthur Koestler, et qui élit domicile à l’Université d’Édimbourg en Écosse, là où le psychologue John Beloff avait préparé le terrain.

Le parapsychologue Robert Morris, nommé professeur à cette chaire, excella dans le déploiement d’une approche universitaire de la question. Il forma une première génération de «Ph.D.», laquelle obtint des postes dans d’autres universités, formant à leur tour d’autres Ph.D. On doit en être à la quatrième génération! Mais il ne s’agit pas que d’une infection locale mal gérée ou de «consanguinité».

Les chercheurs issus des générations de la Koestler Parapsychology Unit (KPU / photo Université d’Édimbourg) possédaient des qualités en matière de méthodologie, de transdisciplinarité, de maîtrise des outils statistiques qui en faisaient des très bons chercheurs «exportables», bien appréciés des laboratoires de psychologie. Ils connaissaient généralement très bien le point de vue sceptique auquel ils contribuaient régulièrement, étant par exemple très compétents dans l’étude des croyances au paranormal. Un exemple en est que l’Association Française pour l’Information Scientifique, pourtant un groupe sceptique, vient de publier un numéro de sa revue sur les «croyances au paranormal» qui fait intervenir Caroline Watt, une parapsychologue ayant succédé à Robert Morris à la tête de la KPU.

Si mon compte est bon, cela fait donc 18 universités dans le monde dispensant des cours de parapsychologie, dont 12 au Royaume-Uni. Le déséquilibre est impressionnant. Il y a un petit peu moins de labos actifs dans ce même pays, une seule revue anglophone (l’European Journal of Parapsychology) référencée dans les index des revues de psychologie académiques, des moyens encore précaires, mais c’est tout de même un résultat qui doit satisfaire la profession. Alors que l’impression générale de l’étudiant moyen serait de se dire qu’il doit dissimuler son intérêt éventuel pour la parapsychologie, l’Université de Northampton propose officiellement de lui financer une thèse sur l’ESP ou la PK (candidatures jusqu’au 4 mars, hurry up!), à moins qu’il ne préfère être financé pour une thèse sur la parapsychologie et l’hypnose à l’Université de Lund en Suède.

Toutefois, ces cours restent limités, du simple fait que le titre de «parapsychologue» n’est protégé nulle part. Comme nous le disions en introduction, aussi longtemps que durera cette situation, il est assuré qu’on mettra la main sur des «parapsychologues» et des «cours de parapsychologie» ayant avant tout une visée lucrative.

La parapsychologie a son tiers-monde: nous!

Grâce au «Livre blanc de la parapsychologie», publié en début d’année par l’Institut Métapsychique International (fondation de recherche en parapsychologie sur Paris), on peut avoir un aperçu plus détaillé des forces en présence. Le Livre blanc est un document exceptionnel et exclusivement francophone pour le moment. Il propose d’abord une introduction historique au développement de la parapsychologie dans le monde, plus détaillée que la mienne. Puis une quarantaine de sociétés de recherche (dont 15 laboratoires universitaires) présentes dans 20 pays sont décrites d’une façon très efficace: 1) Organisation, avec collaborateurs et historique; 2) Recherche, avec descriptions claires de protocoles et publications associées. Enfin, une synthèse achève le tout, pour un «livre» gratuit qui compte tout de même 115 pages PDF. Nul doute que chacun trouvera à s’instruire en le lisant.

Qu’est-ce qui ressort du Livre blanc? Une impression mitigée. D’un côté, il y a toutes ces recherches méconnues, aux protocoles souvent créatifs, qui donnent envie de les reproduire afin d’explorer les limites de la connaissance scientifique. Pour sûr qu’il y a là des milliers de choses à approfondir, et dont on comprend tout à fait qu’elles puissent alimenter des cours de parapsychologie.

De l’autre côté, les disparités d’approches et de moyens sont énormes. La parapsychologie standardisée au Royaume-Uni semble un phénomène isolé, qui a impliqué une multiplication des compromis. Très peu d’expérimentations sont menées sur la preuve du psi lui-même, mais on constate des analyses des variables psychologiques, sociologiques, physiologiques, etc., des croyances ou expériences «anomales». Au point qu’on ne différencie plus les sceptiques des parapsychologues, car ils signent souvent des publications communes. Seule l’Australie semble avoir suivi cette voie, mais avec moins de chercheurs actuellement actifs.

Les autres grands pays où la parapsychologie a pu se développer ont des approches assez différentes. L’Allemagne fonctionne seulement par des instituts privés, financés parfois sur fonds publics. L’approche est plus critique, et s’axe aussi sur la théorisation du psi et le développement d’applications en psychologie clinique. On ne différencie plus les parapsychologues des autres chercheurs, car le même institut peut produire des recherches «mainstream» publiées dans des revues classiques, rejetant quelque peu l’appellation «parapsychologique». Du côté du Japon, une grande activité expérimentale et institutionnelle semble avoir lieu, mais il est difficile de bien comprendre ce qui se passe. Le paradigme semble assez différent, beaucoup plus axé sur la PK sur êtres vivants que sur l’ESP. On a du mal à saisir comment ces recherches sont vraiment réceptionnées, mais il semble qu’un gros soutien populaire et traditionnel rende «normale» l’étude des énergies subtiles.

Il y a des pays qui sont présentés comme «émergents» (Brésil, Autriche, Suède, Argentine) et on découvre que les parapsychologues pénètrent également dans les universités, développent des recherches rigoureuses reproduisant des protocoles connus ou des expérimentations originales. Mais, au moins pour le Brésil et l’Argentine, on peut avoir de gros doutes sur l’influence de la culture ambiante. Les croyances aux diverses formes du spiritisme et des médecines alternatives semblent favoriser ces recherches, quand elles ne les financent pas directement!


Les États-Unis méritent un chapitre à part. Là-bas, la situation miraculeuse des années 1970-80 a laissé place à la déconfiture. Plus personne ne veut vraiment faire de la parapsychologie, ou alors chacun à sa façon légèrement déviée. Les chercheurs les plus sérieux sont les moins financés, ce qui les empêche de mener à bien leurs travaux. Tandis que les instituts les plus axés sur le «transpersonnel» utilisent la parapsychologie pour diffuser leurs croyances dans le pouvoir des intentions et intuitions.

Pour tout le reste, pays francophones inclus, c’est presque le désespoir. Le décalage de moyens pourrait être dû à l’ignorance générale des travaux réalisés par les voisins (on pense notamment à la France, prise entre le Royaume-Uni, l’Allemagne, et à la rigueur les Pays-Bas qui ont connu une période faste avec deux universités impliquées dans la parapsychologie). Il n’est effectivement pas évident de lire des travaux en langue étrangère, de récupérer des livres et des revues introuvables en bibliothèque, de faire le tri entre le bon et le moins quand les barrières culturelles nous font toujours regarder d’un oeil méfiant les idées «packagées» à l’étranger.

Please, update your OS…

Et pourtant, il y a assurément une place pour la rationalité francophone dans tous ces débats. Le retard accumulé dans ce domaine pourra-t-il un jour être rattrapé? Il faudrait déjà que l’image que nous avons de la parapsychologie dans le monde soit mise à jour. Début 2008, Richard Monvoisin de l’Observatoire Zététique publiait sur Internet sa thèse de didactique des disciplines scientifiques. Il y affirmait (p. 68) que les parapsychologues inventaient des laboratoires et des chaires de parapsychologie illusoires. En réalité, dit-il, il n’y aurait que six labos universitaires de parapsychologie en Europe (p. 230) ou bien quatre (p. 232) (vu qu’ils s’évaporent à une vitesse!). Voilà ce qui lui avait été répondu (et auquel il n’a rien répliqué) par les membres du Groupe Étudiants de l’Institut Métapsychique International dans cet article:

«La méconnaissance de Monvoisin porte à conséquence, puisqu’il se fonde sur celle-ci pour critiquer l’argument de l’exception française avancé par plusieurs parapsychologues. Pour lui (p.230), il serait faux de croire qu’une majorité des autres pays du monde seraient dotés de laboratoires de parapsychologie, de chaires consacrées à des disciplines reniées en France, ou consacreraient d’importants moyens à des domaines que «l’esprit français obtus» considère comme pseudoscientifique. Mais il y a des laboratoires, des départements universitaires et des chaires à l’étranger, et Monvoisin ne s’est même pas inquiété de savoir à quel point cela était vrai.»

Heureusement, Monvoisin se rattrape en énonçant cette règle d’or qui lui aurait permis d’actualiser sa vision de l’état des lieux (citation du même article):

«Dans la lignée des conseils « faites ce que je dis, pas ce que je fais », Monvoisin conclut ce passage sur les laboratoires de parapsychologie, miné d’erreurs, par ce précepte heureusement exact: « Le meilleur précepte à donner aux étudiants souhaitant se confronter à ce genre de cliché est d’aller tout simplement vérifier. Nous sommes dans un cas semblable aux légendes urbaines. Tout le monde le répète, personne ne le vérifie, mais de toute façon, l’histoire est trop belle. » (p.232)»

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27 réponses à “Un tour du monde de la parapsychologie”

  1. Amé dit :

    Pardon, NemRob34, si je lis votre dernière phrase de votre post25 adressé à notre Basile, je me trouve dans quelle classe?? de quelle section ??dans quel établissement??
    J ‘ai quant même bien l’ impression( si je ne me trompe ..) être sur un blog traitant le paranormal d’ une approche rationnelle, lieu de discution libre mais mesurée pour tous et toutes.

    Donc la note du devoir à Basile???

    Continuez Basile.
    Amé

    ( classe suivante)

  2. NEMROD34 dit :

    Pardon Amé mais si tu me lis je m’adréssais à Basile, et pas à toi que je sache…
    Comment peut-on en même temps crier à la désinformation quand l’information est donnée depuis 3 ans ?
    Comment peut ton crier à la désinformation, quand on ne veux pas sois même donner l’information (il est vrai quelle est donnée depuis trois ans, c’était donc inutile)?
    Comment critiquer quand on fait les mêmes choses en pire ?
    Que dois-je faire ? Applaudir une critique que je trouve, mal placée et avec des arguments inexistants ?
    Où est le mal de rétablir la vérité et donner son avis ? Basile ne parle t’il pas de désinformation, alors qu’il est le premier à en faire ?
    Basile ne donne t’il pas son avis ? La différence ne serait-elle pas que je soulève des choses justes et consultables, mais ne suis pas de votre avis ?

    S’opposer pour le principe c’est quelque chose, vérifier un minimum avant me parait bien mieux ..