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Maisons hantées et poltergeists: entretien avec Joachim Soulières (co-auteur)

Rédigé par Basile le — Publié dans Paranormal, Parapsychologie

Les éditions Dervy viennent de publier les n°3 et n°4 de leur collection «Les Aventuriers de l’étrange». Ces livres de poche grand public comportent une partie avec des témoignages issus de l’émission de radio aujourd’hui terminée (mais dont les podcasts gratuits s’écoutent ici).

Les deux premiers volets publiés en mai 2008 portaient sur les expériences de mort imminente et les rêves prémonitoires. Les deux suivants traitent des apparitions d’une part, et des maisons hantées de l’autre. C’est surtout à ce dernier numéro que nous nous intéresserons puisque nous avons interviewé Joachim Soulières, qui s’occupe de la partie scientifique de l’ouvrage.

(Dans l’entretien qui suit, les questions de BlogParanormal.com sont en caractères gras.)

Comme le public ne vous connaît pas, pouvez-vous commencer par vous présenter?

Joachim Soulières: Ce sera court! Je suis un psychologue de 34 ans, d’origine québécoise, qui travaille maintenant en France. Je n’ai rien publié en matière de «paranormal» donc c’est là une première tentative. Je m’intéresse aux maisons hantées et poltergeists depuis très longtemps, voguant entre la bonne et la moins bonne littérature sur le sujet. Ce qui m’a poussé à approfondir la question, ce n’est pas tant la chasse au fantôme, mais des études de psychologues qui tentent de cerner ce qui fait que n’importe qui, placée dans une situation particulière, pourrait vivre ces expériences. Après avoir longtemps cherché, sur Internet ou dans les revues professionnelles, des échos de ces travaux en langue française, je n’ai pas vu grand-chose. Du coup l’impression d’être hanté reste une expérience étrange et désagréable pour beaucoup de gens. C’est pourquoi quand Louis Benhédi m’a proposé d’écrire le prolongement scientifique des témoignages recueillis dans son émission, j’ai trouvé cela assez important pour tenter une synthèse.

Les livres sur les maisons hantées se comptent par dizaines. Qu’est-ce qui constituerait votre apport original?

Joachim Soulières: Mon point de vue n’est pas celui d’un parapsychologue, mais d’un psychologue. C’est déjà une différence, même si ça ne veut pas dire que tout doit se réduire à du psychologique. C’est juste que je reprends les idées traditionnelles des parapsychologues sur les poltergeists pour les passer à la moulinette. J’essaye de montrer que différencier «maisons hantées» et «poltergeists» est un faux problème instauré par le chercheur spirite Bozzano. On peut tout à fait s’en passer.

Je parle aussi des études qui relativisent la théorie toute faite de l’adolescent-générateur-de-poltergeists, car cela fait des décennies qu’on a montré qu’il s’agissait d’un truisme mal desservi empiriquement. Il faut imaginer ce que c’est de nos jours pour un adolescent de faire l’expérience d’une hantise: ses modèles de référence sont l’apocalyptique Carrie ou la possession façon L’Exorciste. Enfin, j’ouvre surtout vers les études sur la psychologie de la hantise qui grignote du terrain sur les explications «paranormales», et je m’appuie aussi beaucoup sur le modèle développé par le spécialiste allemand Walter von Lucadou.

À lire l’ouvrage, on ne sait finalement pas quelle est votre position par rapport à l’authenticité des phénomènes de hantise. Pourriez-vous nous confier le fin mot de l’histoire?

Joachim Soulières: Contrairement à d’autres, je ne prétends pas apporter du matériel nouveau à la charge ou à la décharge de l’une ou l’autre thèse. Certains verront d’un mauvais œil qu’on puisse écrire un livre sur la hantise en étant bien calé dans le fauteuil de sa bibliothèque, mais j’assume! Je ne cours pas sur les lieux réputés hantés parce que je n’ai pas le goût du frisson, et que recevoir en consultation des personnes perturbés par ces événements me semble plus déontologique que d’aller perturber des gens avec tout un appareillage sophistiqué. Finalement, je suis dans la position de la plupart des lecteurs. J’ai entendu, lu ou vu des choses, mais je souhaite me faire un avis scientifique qui ne dépende pas que de ces témoignages. Un premier constat peut être fait: on trouve des dizaines de cas bien documentés sur des cas impressionnants de poltergeists.

Dans le livre, je concède un petit faible pour l’étude de Bender à Rosenheim en 1967. Toutefois, je montre que la question de la preuve est assez complexe en ce domaine, car elle repose sur des documents historiques qui vieillissent mal. Même s’il y a des cas anciens ou récents bien étayés, la recherche psychologique et physique sur la hantise est toujours en pleine progression. Comment savoir ce qu’est une hantise authentique quand on ne sait pas encore tout à fait ce qu’est une pseudo-hantise? Je n’ai donc pas de «position» particulière, juste un vœu pieu: faire avancer la connaissance scientifique de la hantise car c’est la seule chose qui pourra mettre en relief d’éventuelles anomalies constatées ailleurs.

Dans le monde anglophone, les recherches sur la hantise sont publiées dans les meilleures revues de psychologie, tandis que dans le monde francophone, on ne voit passer que des ouvrages de vulgarisation coincés dans les rayons ésotériques. Que pensez-vous de la situation?

Joachim Soulières: Le constat peut encore s’aggraver quand on voit la médiatisation du phénomène avec, dans le rôle des scientifiques, Eve Angeli ou Vincent McDoom. Si vous prenez le programme télé, vous comptez des dizaines de séries qui donnent une idée complètement fausse de la hantise et instaurent chez le public à la fois de la peur et une fascination morbide pour ces phénomènes. Du coup, le travail des «debunkeurs» vient rassurer tout le monde, comme si la hantise ne pouvait exister que derrière un écran. C’est aussi de la responsabilité des scientifiques de s’autoriser à explorer rigoureusement cette partie de la vie humaine en se démarquant du folklore ambiant. J’espère qu’on y arrivera un jour. Ce serait bien que ne soient pas bloqués à la frontière francophone les travaux d’Houran et Lange, Wiseman, O’Keeffe, Watt, etc.

Mais le problème semble plus général: c’est la parapsychologie francophone qui subit les effets d’une vaste désinformation. Du coup, quand la revue Sciences Humaines va parler de l’expérience de Wiseman et al. (2003), qui a fait de nombreuses mesures sur un lieu réputé hanté, avec près de 700 participants dont une bonne partie ont rapporté des expériences inhabituelles au cours de l’expérience, c’est juste pour glisser un paragraphe en guise de pied-de-nez aux thèses parapsychologiques. Cela ne va plus loin qu’une moquerie sans avenir. En tout cas – et il faut remercier Dervy pour cela –, j’ai pu placer en fin d’ouvrage une bibliographie sur 14 pages! Je crois que c’est un record pour un petit livre de vulgarisation promis au rayon ésotérique, et j’espère surtout que ce sera utile pour ceux qui veulent pousser plus loin.

Nous avons récemment publiés le résumé d’une récente recherche sur les photos d’orbes ou de fantômes: votre avis sur le sujet?

Joachim Soulières: Bravo pour ce travail de synthèse, moi-même je ne connaissais pas car c’est très récent. Je pense que ça montre bien qu’il y a plein de façons d’aborder la question avec une approche scientifique. C’est très pertinent d’étudier à la fois des hypothèses psychologiques et parapsychologiques, surtout quand on s’approche d’un sujet aussi sensible que les photos de fantômes. Il y a plein de gens pour qui ce sont des éléments de preuve qui font les faire basculer dans une sorte de religiosité étrange, où nous serions entourés d’entités qui se matérialisent. C’est important que la science puisse apporter des réponses concrètes à ces vécus, même si cela implique que l’expérience soit reproduite encore et encore.

Pour contacter Joachim Soulières: joachimsoulieres@gmail.com

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