Comment réussir sa marche sur le feu

Rédigé par Basile le — Publié dans Parapsychologie

La marche sur le feu, une pratique consistant à marcher sur des braises récentes et très chaudes ou sur des rochers chauds, ou encore des cendres, apparaît vraiment comme un miracle ou un exploit nécessitant des capacités mentales extraordinaires. Elle est devenue un thème classique dans le débat sur le paranormal, puisqu’il est maintenant de bon goût d’expliquer les bases physiques de la marche sur le feu pour pouffer de rire devant tous ces gogos qui croient au paranormal. Or, les recherches récentes montrent que la physique seule ne donne pas toutes les armes pour réussir sa marche sur le feu. Une part psychologique, subtile mais testable, constituerait le secret des sociétés traditionnelles pour préserver mentalement son immunité physique.

«Brûler nos anciens schémas»

Il faut déjà signaler cette vogue de la marche sur le feu proposée par des coachs, ou dans des séminaires d’entreprise.


Cela peut prêter à sourire, mais tout un discours s’est établi sur les bienfaits de la marche sur le feu pour surmonter telle ou telle peur. Ainsi, sur le site de ce coach, on peut lire: «La ‘marche sur le feu’ est donc une opportunité de brûler nos anciens schémas et de trouver en soi la force intérieure pour pouvoir au quotidien faire face à nos propres défis et à ceux que la vie nous présente.» La métaphore était facile.

Que les Occidentaux fassent de la marche sur le feu une pratique de développement personnel est assez typique de leur façon d’aborder les rituels traditionnels. C’est souvent un grand écart avec ce qui peut se faire dans de nombreuses cultures, et pour près d’un million de personnes dans le monde (pour une vision ethnographique, voir Schott-Billmann, 1987, et l’article de Marc-Alain Descamps, Les marches sur le feu). Une petite vidéo pour constater les dégâts, avec cris de guerre et harangues pour employés de bureau…

De faibles risques de brûlure…

… ne signifie pas « risques de brûlure faible »! comme nous le rappelle Henri Broch. Même dans de bonnes conditions, il n’est pas rare de voir des cloques se former pour des brûlures au deuxième degré. Oui, le feu ça brûle. Cela n’a rien de surnaturel, tout comme il n’y a rien de surnaturel en général dans la marche sur le feu. Les sceptiques ne cessent de nous en convaincre.

Un jeune physicien américain, Jearl Walker, avait même recommandé d’introduire l’épreuve de la marche sur le feu dans le doctorat ès sciences pour vérifier que les étudiants croient vraiment à la vérité de la science…
Autre exemple, le grand plaisir d’Antoine Bagady est de détenir le record de distance de marche sur le feu (60 mètres), tout cela pour montrer que le charbon est un mauvais conducteur (ici et ).

C’est une manière tout à fait valable de faire de la science en s’amusant, mais quand on voit que la démonstration est reprise chaque année, notamment dans les congrès sceptiques internationaux, on se demande l’intérêt. Surtout qu’il y a un hic: tous les facteurs ne sont pas si facilement contrôlables. De sorte que réussir à marcher sur le feu sans se blesser n’est pas qu’une question de physique. Même Henri Broch pose la condition de «vaincre sa peur» pour passer l’épreuve sans trop de dégâts. Lui-même s’en sort en lisant ses propres livres au-dessus du bûcher. Les livres d’Henri Broch sont-ils la solution universelle?

Un exploit psychologique?

Pour critiquer un stage de programmation neurolinguistique dont la dernière épreuve (facultative) n’était autre qu’une marche sur le feu, certains sceptiques vont jusqu’à dire que cette pratique «n’a strictement rien d’extraordinaire, surtout lorsqu’on connaît les processus physiques et chimiques élémentaires mis en action. « Exploit » que n’importe qui peut tout à fait réaliser sans besoin de mantra ou d’hypnose… et encore moins de PNL.» On peut considérer qu’il s’agit là d’un déni de la part psychologique du phénomène. Et si, effectivement, il y avait un processus de l’esprit qui commanderait à la chair?

C’est ce que semble avoir montré des psychologues américains dans une étude innovante de l’aspect subjectif de la marche sur le feu (Pekala & Ersek, 1992/1993; le tout étant synthétisé dans le fameux Varieties of Anomalous Experiences, Cardeña, Lynn & Krippner, 2000, pp. 66-67). Vingt sept participants ont marché sur le feu et complété ensuite des questionnaires psychologiques en faisant référence à leur expérience, en plus d’un questionnaire leur demandant s’ils avaient été «brûlés ou blessés en marchant au-dessus des braises» (p. 212). Les analyses des données révélèrent qu’en ayant seulement les résultats aux questions psychologiques, on pouvait deviner si les participants furent brûlés ou pas. Contre-intuitivement, «ces marcheurs sur le feu qui ne furent pas brûlés rapportèrent moins de détachement, moins de sentiment d’être hors de leur corps, et plus de pensées que les marcheurs sur le feu qui furent légèrement brûlés» (p. 217).

Une seconde partie de l’étude consistait à comparer cette expérience subjective de marche sur le feu avec l’expérience subjective de l’hypnose et une condition témoin (être assis dans le calme). Il ressortit des différences subjectives, la marche sur le feu étant associé avec significativement plus de joie, d’absorption, de focalisation sur une pensée, de peur, et de significations inhabituelles, par rapport à l’hypnose ou à la condition témoin. Tandis que l’hypnose est habituellement associée avec une perte de contrôle, la marche sur le feu fut associée avec une augmentation du contrôle, un état plus éveillé et, de façon compréhensive, plus de peur. Comme dans l’étude précédente, les participants qui eurent des cloques purent être distingués des autres participants marchant sur le feu sur la base de leurs scores aux questionnaires psychologiques. Cela veut dire que selon l’état de conscience (du moins tel que perçu subjectivement et rétrospectivement), la marche sur le feu n’aura pas les mêmes effets subjectifs et, possiblement, psychophysiologiques.

Quand on regarde un peu les données issues de cette expérience, on ne peut qu’être amusés: toutes conditions physiques égales par ailleurs, pour ne pas se blesser, il vaut mieux ne pas essayer de penser à autre chose ni se dire que c’est de la gnognote. Plutôt que de «vaincre sa peur», il est préférable d’avoir peur! Tous ceux qui la jouent cool, dansant, chantant, lisant leur livre, poussant des cris de guerre, et qui finalement ne se blessent pas, sont en fait ceux qui, au fond d’eux-mêmes, sont très concentrés sur leur passage sur les braises car ils ont la trouille.

Au final, cette recherche psychologique est plutôt intéressante. Le fait d’évaluer simultanément les effets psychophysiologiques de brûlure comme une fonction des modifications attentionnelles, tout en tentant de valider de telles modifications subjectives en les corroborant avec des preuves physiques, me semble un bon moyen pour acquérir des données solides sur certains aspects du rapport corps-esprit. Quoi de mieux qu’obtenir une validation physique d’expériences subjectives pour développer une explication rationnelle de celles-ci?

Quelques conseils «hots»

Comme cet article risque d’avoir ranimé la flamme de petits curieux, et que le blogparanormal risque bientôt d’accumuler les plaintes, quelques conseils pour hérétiques en mal de bûcher (fournis par le psychologue transpersonnel Marc-Alain Descamps, voir aussi son livre de 2002).

Conseils physiques: le plus souvent, les personnes se brûlent avant de marcher, en préparant le feu. En fait, la chaleur transmise par contact est très réduite comparativement aux retours de flamme. N’oubliez pas de remonter le pantalon qui prendrait feu. Et n’asperger pas d’eau le dessus du pied ou la cheville, car elle brûlerait en se mettant à bouillir; en revanche, sur le dessous du pied, cela permet de créer un effet Leidenfrost d’une vapeur légèrement protectrice.

Conseils physiologiques: il faut apprendre un type particulier de marche, ni trop brusque ni trop lente. Le grand danger est de rester immobile sur un lit de braises, donc si vous êtes capables d’être sidéré au bout de trois pas, évitez. Il faut marcher ou danser pour réduire le temps de chauffe et permettre à la plante des pieds de s’aérer. Il faut aussi lever haut le genou de façon à poser le pied bien à plat et ne pas heurter des braises. En sortant, il faut bien brosser les pieds dans l’herbe pour qu’il ne reste pas de tison brûlant entre les doigts de pied.

Conseils psychologiques: la musique, notamment les percussions, est utilisée pour la mise en condition. Je ne saurais conseiller d’autres choses, vu le peu de support empirique des recettes traditionnelles. Si on vous conseille de vous libérer de la peur qui ne ferait qu’amplifier la douleur, fuyez.

Conseils spirituels: pour les très croyants, une prière du feu permettrait de guérir les brûlures. Descamps propose aussi «une conjuration par le Feu qui permet d’annuler l’effet d’une brûlure en représentant volontairement la partie brûlée au feu». (Si jamais vous tentez ce truc, si vous remettez votre pied calciné dans le feu, appelez-moi car il me tarde de voir ce que ça peut donner.)


Références

Cardeña, E., Lynn, S.J., & Krippner, S., eds. (2000). Varieties of Anomalous Experiences: Examining the Scientific Evidence. American Psychological Association.
Descamps, M.-A. (1992). Corps et extase, les techniques corporelles de l’extase. Paris: Guy Trédaniel.
Pekala, R. J., & Ersek, B. (1992/93). Firewalking versus hypnosis: A preliminary study concerning consciousness, attention, and fire immunity. Imagination, Cognition, and Personality, 12, 207-229.
Schott-Billmann, F. (1987). Danse mystique et psychanalyse, marche sur le feu en Grèce moderne. Paris: Chiron.

Lire aussi:


13 réponses à “Comment réussir sa marche sur le feu”

  1. grominouh dit :

    Oui bon, perso je trouve que voir des gens marcher sur l’eau serait plus convaincant … et moins dangereux ;)

  2. Orphee dit :

    Très interessant le fait que le « lâcher prise » soit d’un effet nocif sur le résultat. Ça fait penser au problème de la prière aussi.

  3. Aurel dit :

    Yep très bien cet article!!

    qu’est ce que c’est le problème de la prière Orphée?

  4. ANOMALIE dit :

    Le hasard fait parfois bien les choses, j’ai atterri sur votre blog. Je tiens juste à vous féliciter pour la teneur sceptique de vos articles, remarquablement bien écrits : c’est plutôt rare sur ces questions qui m’intéressent.

    Qu’il me soit permis de vous faire découvrir à mon tour mon blog, dans un tout autre domaine, mais bon ! À chaque découverte son renvoi d’ascenseur !

    BONNE CONTINUATION
    Anomalie

    NOUVEAU MONDE INFO
    http://anomalie.over-blog.com

  5. animiste dit :

    perso je ne l’ai pas fait mais je le tenterais bien.
    le surnaturel mis de côté, le travail psychologique suffit, faire quelque chose que l’on ne pensait pas pouvoir faire, sortir de nos habitudes et croyances.
    après le contexte importe peu.
    comme le saut à l’élastique qui est un loisir pour certains et une cérémonie sacrée pour certains peuples.
    chacun y trouvera ce qu’il vient chercher.

    le charbon mauvais conducteur???
    je vous mets au défi de tenir 2 petites minutes un charbon rouge dans votre main.

    ps: tenez nous informés du résultat de l’expérience

  6. NEMROD34 dit :

    C’est pourtant expliqué en long, en large et en travers, il suffit de marcher à une certaine vitesse et donc un certain rythme, dans ce cas là la peau et le charbon ne sont pas en contact suffisamment longtemps pour faire quelque chose.

    charlatans.info/marchesurlefeu.shtml

  7. animiste dit :

    « C’est pourtant expliqué en long, en large et en travers, il suffit de marcher à une certaine vitesse et donc un certain rythme, dans ce cas là la peau et le charbon ne sont pas en contact suffisamment longtemps pour faire quelque chose »

    ah bon:
    « Un jeune physicien américain, Jearl Walker, avait même recommandé d’introduire l’épreuve de la marche sur le feu dans le doctorat ès sciences pour vérifier que les étudiants croient vraiment à la vérité de la science…
    Autre exemple, le grand plaisir d’Antoine Bagady est de détenir le record de distance de marche sur le feu (60 mètres), tout cela pour montrer que le charbon est un mauvais conducteur (ici et là). »

    je lis bien le charbon est mauvais conducteur et non la charbon devient mauvais conducteur à partir de telle ou telle vitesse.
    pourtant je lis en long en large…

  8. Robert dit :

    ******le charbon mauvais conducteur???
    je vous mets au défi de tenir 2 petites minutes un charbon rouge dans votre main.******

    C’est exact, le charbon est un mauvais conducteur tout comme le bois, ce qui ne l’empêche pas néanmoins de pouvoir brûler. Il ne faut simplement pas tout mélanger.

  9. animiste dit :

    ok
    mais pour ce qui est de la marche sur le feu
    or côtés mystiques, magiques…
    je pense que c’est une expérience psychologique intéressante.
    après ce n’est qu’un avis perso.
    moi je tenterais bien.

  10. NEMROD34 dit :

    « je lis bien le charbon est mauvais conducteur et non la charbon devient mauvais conducteur à partir de telle ou telle vitesse.
    pourtant je lis en long en large… »

    C’est pourtant simple: c’est un mauvais conducteur, mais si tu mets les pieds dessus et ne marche pas tu te brûleras, idem si tu marches trop lentement.

  11. animiste dit :

    « NEMROD34 a dit :
    3 novembre 2012 à 7:21
    « je lis bien le charbon est mauvais conducteur et non la charbon devient mauvais conducteur à partir de telle ou telle vitesse.
    pourtant je lis en long en large… »

    C’est pourtant simple: c’est un mauvais conducteur, mais si tu mets les pieds dessus et ne marche pas tu te brûleras, idem si tu marches trop lentement. »

    j’ai déjà repondu ok à l’argument de robert qui expliquait la même chose
    ma réponse et n:10 et en réponse n11 tu répètes la même chose
    1: il faut lire
    2: je faisais juste un remarque je ne suis pas spécialiste du sujet j’ai compris pas conducteur mais brûle, ok moi comprendre

    après mon seul avis est que rien de mystique mais pas forcement inutile
    si tu sais où en faire je veux bien tenter

  12. titi dit :

    bonjour

    c’est une question de conductivité et de temps passé sur les braises qui soit dit en passant ne sont pas ardentes mais recouvertes de cendres isolantes.

    pourquoi dans un four avec un gâteau dans un moule métallique le tout à 200 degrés on peut mettre la main dans le four, toucher le gâteau mais si par mégarde vous touchez ne serait ce qu’une fraction de seconde le moule ou la grille vous êtes brulé ?

    si au lieu du charbon il y avait des planchas juste à 200 degrés on ne pourrait pas le faire car trop conducteur !