Un étrange mirage qui rapprocherait des villes éloignées

Rédigé par JC le — Publié dans Insolite

Par temps clair, sur la rive d’un vaste plan d’eau, on peut voir des côtes situées à quelques dizaines de kilomètres. Et si les conditions atmosphériques sont propices, on pourrait même être honoré par la vision d’un étrange mirage montrant une côte surmontée par une image inversée d’elle-même, comme si un miroir horizontal flottait dans le ciel.

Ce phénomène, plutôt rare mais pas exceptionnel, s’explique par le fait que la lumière parvient à l’observateur selon deux chemins : un premier, en ligne droite, qui donne une image inférieure et un second, légèrement courbe à cause de la réfraction de la lumière, qui projette une image inversée au-dessus de la première. Pour que cette image inversée puisse se former, l’eau doit être couverte d’une couche d’air froid qui est elle-même surmontée d’air plus chaud, techniquement une inversion atmosphérique. Comme une image vaut mille mots, vous pouvez consulter l’article Mirages in Finland qui présente des photos de ce phénomène.


Vous vous demandez certainement pourquoi je parle de ces mirages. Eh bien! voilà : des scientifiques de la Case Western Reserve University (Cleveland) ont récemment déclaré qu’il était possible que des circonstances atmosphériques exceptionnelles puissent causer un mirage permettant à des observateurs de voir les côtes de l’Ontario comme si elles n’étaient situées qu’à quelques kilomètres de là. Un fait qui ne manquera pas de surprendre quand on sait que la ville de Cleveland (Ohio aux États-Unis) est séparée de l’Ontario par le Lac Erie, dont la largeur minimale est de l’ordre de 100 kilomètres… (Un article du journal The Plain Dealer de Cleveland précise une distance de 50 miles – environ 90 km – mais la carte de Google Maps indique plus de 100 km.)

Le journal cite un cas historique (12 août 1906) au cours duquel de centaines d’habitants de Cleveland auraient pu observer les côtes ontariennes comme si elles étaient situées à environ 5 km. Un mirage rarissime pourrait-il donner une image agrandie d’une ville distante de 100 km et permettre de voir clairement les édifices et les arbres? (Au passage, vous noterez que les images inversées dans les photos des mirages en Finlande sont de la même taille que les images droites.)

Lawrence Krauss, le directeur du département de physique de cette université à Cleveland, pense que «le fléchissement graduel [des rayons lumineux] à travers un gradient de température crée une lentille qui peut agrandir les images et amener les côtes canadiennes à nos portes». En cas d’inversion atmosphérique, une stratification de couches d’air de température et d’indice de réfraction différents pourrait donc faire converger légèrement les rayons lumineux et produire ainsi une image agrandie. Mais le scientifique ajoute que l’air doit être «extrêmement calme» pour que ce type de mirage puisse apparaître et rester visible pendant quelque temps.

Après consultation de l’article du Plain Dealer, et des sites Web de l’université et du chercheur, il semble toutefois que cette hypothèse d’une configuration atmosphérique rarissime pouvant provoquer ce type de mirage ne soit malheureusement pas supportée par des travaux précis ou une simulation par ordinateur. Dommage, on aurait bien aimé avoir un exemple concret d’une stratification de couches d’air pouvant créer une lentille capable de produire un grossissement d’environ 20 fois (ville à 100 km vue comme si elle était à 5 km).

Et comme les trajectoires lumineuses sont réversibles (un des principes de base de l’optique), les observateurs de l’Ontario devraient également pouvoir observer les côtes américaines. Selon l’article, c’est effectivement le cas. Un journaliste ontarien de Chatham affirme qu’il a pu voir de près la ville de Cleveland à deux reprises, pendant deux à trois minutes. De si près qu’il aurait pu distinguer les voitures et les feux de signalisation…

Voilà une actualité qui aurait certainement attiré l’attention de ce bon vieux Charles Fort (1874-1932; courte biographie sur Wikipédia), un écrivain légendaire qui a passé de nombreuses années de sa vie à compiler des récits de faits étranges et inexpliqués, et dont le nom est à l’origine du terme «fortéen», un adjectif qui caractérise les phénomènes apparemment ignorés ou rejetés par la science officielle.

Dans son livre New Lands (nouvelles terres – texte intégral en version originale anglaise), livre publié en 1923, Charles Hoy Fort décrit des cas de mirages de villes pour le moins extraordinaires. Des mirages de villes très lointaines… ou même inconnues ;-) Mais vous connaissiez déjà M. Fort, n’est-ce pas? Sinon, vous pouvez lire ses oeuvres en ligne chez Resologist.net, où vous trouverez aussi une page dédiée aux mirages extraordinaires et aux «terres fantômes». Bonne lecture !

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4 réponses à “Un étrange mirage qui rapprocherait des villes éloignées”

  1. kheyliana dit :

    Je reviens sur la pleine lune, les ovnis et les mirages ;-)

    J’ai beau faire ce que je veux, mais quand je regarde mon agenda les lendemains d’insomnie, 5h30 à 6h de sommeil au lieu de 7h30, je me rends compte que ce sont les soirs de pleine lune. Par contre, ce qui est aussi bizarre, c’est que les nuits sans lune (du moins la 1ère du cycle) me provoquent le même problème…

    En ce qui concerne les ovnis, nous avions eu une vague aussi en Belgique il y a plusieurs année, 3 ans plus tard, nous apprenions que ce n’était que les avions furtifs des USA ;-)

    Pour le mirage, ça doit faire bizarre de voir une ville aussi loin :-) et en même temps, ça doit être assez sympa.

  2. Patrick Gross dit :

    Bonjour. Votre article explique bien une circonstance donnant lieu à un mirage. Il est possible que « l’idée derrière » l’article serait que des rapports d’observations d’OVNIS sont en réalité des observations de mirages.

    Pouvez-vous, si c’est le cas, justifier de l’importance de cette explication en donnant des exemples de rapports d’observations d’OVNIS qui étaient en réalité de tels mirages?

    Cordialement
    Patrick Gross

  3. JC dit :

    Bonjour M. Gross et merci pour votre commentaire,

    Dans ce billet, je n’avais pas l’intention de suggérer que des cas d’ovnis pouvaient s’expliquer pas des circonstances atmosphériques extraordinaires créant un mirage.

    Cela dit, j’avoue que cette idée m’a traversé l’esprit mais cette explication me semble très mal adaptée au contexte de la très grande majorité des rapports d’observations d’ovnis. Enfin, si je me trompe, j’aimerais bien que quelqu’un me corrige. ;-)

    Par contre, ce type de phénomène atmosphérique a souvent été avancé pour expliquer des observations de «serpents de mer» et autres monstres du Loch Ness.

  4. Joey dit :

    Je cite un passage de Nouvelles terres, de Charles Fort, traduit en français en 2009 : «Autres soldats fantômes vus à Ujest, en Silésie (Hallucinations and Illusions, p. 309, Edmund Parish). Parish explique qu’au moment du mirage, des soldats – très terriens – marchaient bel et bien aux abords d’Ujest, dans une procession funèbre à la mémoire du général von Cosel. Puis, le mirage était réapparu, toujours à Ujest, mais le général était mort et enterré depuis plusieurs jours, et la procession démembrée. Si un jeu de réfraction peut survivre à sa source, alors une ombre le pourrait aussi, et la vôtre se promène peut-être encore au parc qui vous a vu mar­cher la semaine dernière. Ce que tous ces fabricants d’expli­cations négligent de faire, c’est d’expliquer pourquoi les mirages marquent une préférence pour les troupes armées. Néanmoins, s’il se trouve dans le ciel des créatures ou des êtres qui se meuvent en lignes parallèles, et qu’il ne s’agit pas de mirages, mais plutôt de leurs ombres projetées dans les brumes terrestres, ce fameux spectre du Brocken, alors la fréquence et la nature particulière de ces visions pourraient trouver éclaircissement.»

    Notre ami Charles s’est bien révolté contre les explications toutes faites qui n’expliquent – au final – pas grand-chose. Il y a des mirages qui dépassent sans doute notre entendement actuel.

    Joey Cornu (éditeur ouvert au questionnement, amateur de Fort)