Du rififi à la zone 51
Je suis confortablement assis à mon bureau, faisant patienter quelques clients pendant que je m’amuse avec un petit jeu en ligne très rigolo qui s’intitule: « Kill the Planet », une simulation informatique dont le but est d’essayer de détruire la Terre par tous les moyens possibles et imaginables. Tremblement de terre, pandémie, pollution, guerre nucléaire… le joueur dispose de toute une panoplie de cataclysmes tous plus terrifiants les uns que les autres afin de parvenir au but ultime: rayer de la carte la planète bleue. Ma technique favorite? La déforestation totale. Je gagne 90% de mes parties au moyen de cette ignoble pratique. De toute façon, les arbres c’est salissant et ça laisse plein de feuilles mortes partout sur mon terrain à l’automne, et qui est obligé de ramasser tout ça, hein?
En fait, je tue le temps en attendant ma fidèle adjointe administrative, Miss Cruella. Elle doit me rejoindre ici même à 9 h 30, et je n’ai pas le temps de m’occuper des clients. J’ai donc demandé à Coquina et Désirella de s’occuper d’eux, car mon rendez-vous avec Miss Cruella est d’une importance capitale. Sur l’écran, ma partie de « Kill the planet » va très bien: il ne me reste qu’à couper tous les arbres du Brésil et c’est dans la poche. C’est alors que j’entends deux coups forts et très brefs à la porte. C’est Miss Cruella, j’en suis sûr: elle seule a cette façon énergique et déterminée de s’annoncer lorsqu’elle désire entrer me voir.
- Entrez, Miss Cruella! je lui lance.
La porte s’ouvre et elle s’avance à petits pas vers moi, alourdie par un énorme sac de sport qu’elle dépose avec fracas sur mon bureau.
- Voilà… Professeur Orox, j’ai apporté tout ce que vous m’avez demandé.
- Voyons cela… dis-je en me levant.
Elle ouvre énergiquement la fermeture éclair du sac de sport et elle sort les objets un à un en me les montrant, puis les dépose sur le bureau sans aucune délicatesse.
- Un fouet, des menottes, deux costumes en latex noir, une pince-monseigneur, des bougies de cire, de l’huile d’amande douce, une bible, trois bouteilles de Chivas Regal 18 ans d’âge, et enfin 10 mètres de câble en nylon ultra-résistant.
- C’est parfait Cruella. Je vois que vous n’avez rien oublié.
- Puis-je vous demander ce que vous comptez faire avec cet équipement, professeur Orox?
Miss Cruella me regarde avec un air entendu, très professionnel.
- Ma chère Cruella, il ne s’agit pas du tout de ce à quoi vous pensez, mais je vais quand même vous mettre au parfum, si je puis dire. Je vais vous demander quelque chose, et sentez-vous tout à fait à l’aise d’accepter ou de refuser ma proposition. Voilà: j’ai décidé de partir en mission et j’ai besoin d’une coéquipière sexy. Je désire me rendre dans le Sud-Ouest des États-Unis afin d’enquêter sur un phénomène très particulier: les humanoïdes extraterrestres.
Je marque une pause, question de la laisser absorber ce que je viens de dire. Puis je reprends:
- Je voulais donc vous demander si vous accepteriez de m’accompagner dans cette mission périlleuse, Cruella?
Elle lève à peine un sourcil, puis répond:
- Vous voulez aller à Roswell, n’est-ce pas? Alors c’est oui, bien sûr. J’ai toujours rêvé de visiter le Nouveau-Mexique.
- Non, Miss Cruella… Pas Roswell! Je pense à un endroit infiniment plus dangereux: nous irons plutôt INFESTER LA ZONE 51 AU NEVADA!
Je laisse ma phrase faire son effet quelques secondes.
- Alors, c’est toujours oui?
- Bien sûr! répond-elle. Mais j’aimerais vous faire remarquer que le terme « infester » n’est pas très approprié dans ce contexte. Vous vouliez sans doute dire « infiltrer »?
- Croyez-moi Cruella, quand Orox en aura terminé avec la zone 51, on parlera beaucoup plus d’infestation qu’autre chose!
Mon adjointe sourit presque. Quelle femme! Elle a des nerfs d’acier, je vous dis!
La compagnie américaine Amtrack est un immense réseau ferroviaire qui couvre l’ensemble des États-Unis. J’ai décidé d’employer ce moyen de transport pour notre expédition pour deux raisons. Primo, le train est une façon très agréable de voyager, surtout dans un pays où les grands espaces et les paysages de l’Ouest sont à couper le souffle; secundo, les quelque 40 heures qu’on doit mettre pour se rendre à Las Vegas au Nevada nous serviront à mettre au point un plan d’intrusion.
Dans la cabine, Cruella regarde le paysage défiler par la fenêtre. Comme nous avons de longues heures de voyage devant nous, j’en profite pour faire un petit briefing.
- Faisons le point. La zone 51, ou Dreamland dans le jargon local, est un très vaste périmètre d’environ 155 kilomètres carrés qui appartient à l’armée de l’air des États-Unis et qui est situé à environ 160 kilomètres au nord-ouest de Las Vegas. Cette zone est elle-même enchâssée dans le complexe de Nellis, dont la superficie équivaut plus ou moins à la Suisse. Son espace aérien est totalement inviolable, ce qui exclut toute tentative de survol et par conséquent de photographie aérienne.
- Il ne nous reste donc que la voie terrestre pour s’y introduire, et en cela nous ne sommes pas différents de tous ceux qui ont tenté de pénétrer dans la zone, Orox. De mémoire de femme, personne n’a réussi à s’introduire dans la zone 51. Comment voulez-vous réussir là où tout le monde a échoué? Tout ce qui s’approche de la base est immédiatement détecté, et les « Cammo Dudes » sont loin d’être des idiots… Et ils ont surtout les moyens de refouler hors de la zone les indésirables.
- Vous avez partiellement raison, Cruella… mais j’aimerais vous apporter un point. Quand vous dites que personne n’a réussi jusqu’à présent à s’introduire dans la zone, vous avez tort. Des tas de gens ont accès à la zone 51 et franchissent les guérites chaque jour. Je parle évidemment des employés, qu’ils soient civils ou militaires. Bon… je sais que la nuance n’est pas très subtile, mais si nous voulons accéder à la zone 51, je suis persuadé qu’il faut regarder de ce côté-là, si vous voyez ce que je veux dire…
- S’introduire avec de faux papiers? Vous n’y pensez pas, j’espère? Nous ne sommes pas au Canada, Orox. Là-bas, la justice n’est pas de la rigolade! Savez-vous ce qui nous attend si on se fait prendre?
Miss Cruella a bien raison, comme toujours… Mais quoi qu’il en soit, nous nous rendrons le plus près possible de la zone 51. Qui sait? On trouvera peut-être un moyen de s’introduire. Au pis aller, nous en serons quittes pour effectuer un joli voyage dans le Sud-Ouest américain, dont les paysages désertiques époustouflants valent indéniablement le détour, zone 51 ou pas.
- Eh bien, dis-je, il ne nous reste qu’à passer le temps en attendant d’arriver à destination! Vous savez à quoi je pense? je lui demande.
- Non. Je ne sais pas à quoi vous pensez. Comment le saurais-je?
- Allez Miss Cruella, faites un effort! Nous sommes seuls, nous avons du temps devant nous et vous n’avez aucune idée où je veux en venir?
Elle me regarde avec un air coquin.
- Noooon!… Ne me dites pas que… Vous êtes sûr? Ici?
- Pourquoi pas? On peut faire ça n’importe où, vous le savez!
- J’avoue que je suis tentée…. Et si on nous surprenait?
- Ben, ça ne fera que rajouter du piquant au jeu! lui dis-je en lui faisant un clin d’oeil.
- Alors, c’est d’accord! Allons-y pour une partie de Twister!
Elle se lève d’un bond, ouvre une de ses valises et en sort une boîte cartonnée: un authentique jeu de Twister! Elle étale le tapis de jeu entre les deux banquettes, sort la girouette incluse avec le jeu et me dit avec un grand sourire moqueur:
- Je suis fair-play Orox: je vous laisse le premier tour!
Je regarde le plafond en soupirant. Bon Dieu! Je ne les comprendrai jamais. Mais comme je suis un gentleman, je fais comme si de rien n’était et je me lève. Et lorsque j’actionne la girouette, je me sens totalement ridicule. Ça m’apprendra à vouloir biaiser avec Miss Cruella!
Le surlendemain, nous arrivons à Sin City, quoique quiconque ne connaît pas vraiment cette ville s’obstinera à la nommer Las Vegas. Par contre, comme nous n’avons absolument pas envie de nous attarder dans cette ville, nous nous empressons Cruella et moi d’aller louer une fourgonnette chez Hertz puis, direction Rachel, Nevada, en passant par Alamo et Crystal Springs par la route 93. De là, nous bifurquerons à gauche pour nous retrouver sur la célèbre « Extraterrestrial Highway », la route 375.
Le temps est magnifique, le désert est lumineux et j’ai mis les Doors dans le lecteur CD qui équipe la fourgonnette. La température avoisine déjà les 35 degrés à l’ombre, bien qu’il ne soit pas encore midi. Curieusement, la chaleur est très supportable, et miss Cruella m’explique que le taux d’humidité est ici très bas comparé au Québec, ce qui explique qu’on puisse s’accommoder beaucoup mieux de la chaleur. En outre, la fourgonnette dispose de l’air conditionné. Nous roulons donc en parlant de tout et de rien.
- Et votre taux d’humidité à vous, il est OK? je lui demande en ricanant.
- Vous voulez savoir si j’ai chaud? Ça va, merci.
- Bon. La première chose à faire en arrivant à Rachel sera de nous loger. J’ai pris quelques notes avant de partir et je nous recommande le » Little A’ LE ‘INN », en plein centre de Rachel. De là, nous serons à 30 km à tout casser de la zone 51.
- De mon côté, j’ai vérifié quelques itinéraires qui permettent de se rendre à Dreamland. Le plus connu est celui qui se nomme « The Mailbox », que nous croiserons en allant vers Rachel. Il s’agit d’une banale boîte aux lettres qui se trouve quelques kilomètres avant le village, toujours sur la route 375. Cette boîte aux lettres a ceci de particulier qu’elle est plantée au beau milieu de nulle part, sans maison aux alentours. En fait, « The Mailbox » marque l’entrée d’une route de campagne non asphaltée qui se dirige droit vers la zone 51.
- Et il n’y a pas de barrière ni de guérite?
- Non. Les premiers points de contrôle se trouvent quelques kilomètres plus loin, et la zone 51 elle-même se trouve à quelque 30 kilomètres vers l’ouest à partir de ce point d’entrée.
- Donc, si je comprends bien, nous pouvons nous déplacer librement entre « The Mailbox » et les premiers points de contrôle?
- En effet Orox, mais nous serons probablement déjà détectés par les Cammo Dudes, ces types de la firme de sécurité privée EG & G Technical Services. Ces personnes s’occupent du périmètre extérieur de la zone 51 et circulent en camionnette un peu partout autour du site.
- Et ils essaieront sans doute de nous intimider s’ils voient que nous persistons à vouloir nous diriger vers la zone…
- Ça, on peut en être sûr!
- Et existe-t-il un autre accès plus direct en termes de distance?
- Non. La totalité de la base de Nellis, qui contient la zone 51, est immense et dispose bien sûr de plusieurs points d’accès, mais « The Mailbox » est l’accès le plus direct vers la zone 51.
- OK… Merci Miss Cruella pour votre topo. À propos… Voilà « The Mailbox » à gauche!
Je ralentis un peu et nous regardons la boîte aux lettres isolée. Effectivement, il n’y a pas âme qui vive dans le coin, ce qui donne un aspect un peu insolite au tableau. Juste à côté de la boîte, on peut voir une piste qui file droit vers l’ouest. Nous sommes donc près de Rachel, située quelques kilomètres plus loin. Nous décidons de continuer notre route, ne croisant ni âme qui vive ni aucun véhicule dans un paysage quasi-lunaire.
Rachel est une minuscule localité perdue dans le désert du Nevada, et qui compte à peine 100 habitants. Les bâtiments épars, de construction ancienne et plutôt rustiques, lui donnent presque des allures de ville fantôme. Ici, c’est l’Amérique profonde, le coin des « vrais » patriotes américains et des milices civiles, qui sont d’ailleurs un tantinet paranoïaques face à tout ce qui vient d’ailleurs. Alors qu’en Europe ou au Canada on fait des pique-niques le dimanche, ici on va s’exercer en famille avec des AK – 47 après la messe. Il existe pourtant un sésame qui vous ouvrira ici toutes les portes ou presque: le tourisme. En cette période de récession économique qui sévit un peu partout dans le coin, si vous arrivez les poches gonflées de billets verts et que vous dites que vous vous intéressez aux extraterrestres, on vous accueillera à bras ouverts et on vous traitera comme un ami.
Muni de cette certitude, je me dirige vers l’unique station-service de Rachel car je dois faire le plein. L’endroit ne paie pas de mine, mais après deux heures de route dans le désert ça fait du bien de reprendre contact avec la civilisation. Je me gare à côté de la pompe à essence et comme c’est un libre-service, j’actionne la manette et je regarde le compteur pendant que le pétrole emplit le réservoir. Sur le porche, un vieillard est assis sur un vieux fauteuil et me regarde fixement, une canette de thé glacé de marque « Arizona » à la main. Au bout d’un moment, la pompe fait « Ding! », indiquant que le réservoir est plein. Je remets le tout en place, et je me dirige lentement vers la station tout en fouillant dans mes poches pour y extirper mon porte-monnaie. En passant près du vieux monsieur, je lui adresse un salut discret de la tête et j’entre. Personne. Derrière le comptoir, une vieille radio AM déglinguée joue un air country en sourdine. Je me dis que le vieux dehors pourra me renseigner et je ressors aussitôt.
- Bonjour Monsieur.
Le vieillard me regarde droit dans les yeux, jette un coup d’oeil à la fourgonnette, puis il me répond sans me regarder:
- ‘jour.
- Euh… J’aimerais payer pour le plein d’essence, mais il n’y a pas de caissier à l’intérieur. Savez-vous à qui je pourrais m’adresser?
- Le caissier, c’est moi, répond-il.
Un ange passe… Ne sachant pas trop quoi faire, je lui tends un billet de 50$.
- Vous avez de la monnaie?
- Bien sûr.
Je suis planté devant lui le bras tendu, et lui ne bouge pas et me regarde. La situation est pour le moins inconfortable. Je me retourne et regarde Cruella qui observe la scène de l’intérieur de la fourgonnette. Elle me gesticule quelque chose qui ressemble à une interrogation, et je lui réponds en haussant les épaules. Le vieux boit une gorgée de son thé glacé, s’éclaircit la gorge puis devient plus loquace.
- Vous êtes pas du coin, hein? En plus, vous avez un drôle d’accent… Vous venez d’où au juste?
- Je suis Canadien, et j’arrive de la province de Québec, qui est francophone. De là vient mon drôle d’accent, comme vous dites.
Je commence à me dire que c’est mal barré pour moi, et je crains tout à coup que mon séjour à Rachel ne soit pas très agréable. Mais, à mon grand étonnement, le vieillard arbore tout à coup un large sourire. Il se lève d’un coup sec.
- Le Québec? Céline Dion et René Angélil? Le Cirque du Soleil? Mais fallait le dire plus tôt! Bienvenue à Rachel, Monsieur! Je suis allé voir chanter Céline à Las Vegas l’an dernier! La plus belle soirée de ma vie, Monsieur! Venez à l’intérieur, nous serons plus à l’aise pour bavarder. Et dites à votre femme de venir se dégourdir les jambes un peu avec nous, elle doit être fatiguée du voyage, elle aussi.
Je fais signe à Cruella de venir nous rejoindre, puis nous entrons tous les trois dans la station-service qui fait aussi office de petit magasin général.
- Alors, je me présente: Elliot S. McMurray, propriétaire de ce petit magasin-station d’essence et fier habitant du village de Rachel, la ville la plus rapprochée de la zone 51! annonce-t-il en nous tendant la main.
- Je me nomme Orox, et voici ma fidèle adjointe administrative, Miss Cruella.
- Oh! Je croyais qu’elle était votre femme! Désolé, Madame. Alors, quel bon vent vous amène à Rachel, m’sieur-dame?
Je regarde Cruella rapidement, puis je me lance:
- À vrai dire, Monsieur McMurray, nous sommes des touristes et nous arrivons de Las Vegas. Nous avons appris hier que nous étions très près de la célèbre zone 51, et nous avons décidé Miss Cruella et moi de venir voir d’un peu plus près ce qui s’y passe. Mais malheureusement, je crois savoir que la zone est totalement fermée au public. Est-ce vrai?
- Fermé? C’est plus que fermé cet endroit mon pauvre monsieur! Je vous assure qu’il est totalement impossible d’y entrer, que ce soit à pied, à cheval, en voiture ou en avion. Les Cammo Dudes et les Feds scrutent jour et nuit chaque centimètre carré du terrain. Ils ont des radars de détection, des caméras infrarouges, des chiens pisteurs, des drones de surveillance et tout ce que vous pouvez imaginer. Personne ne peut entrer dans la zone 51, ça c’est sûr!
- Eh bien… Mais qu’est-ce qui se passe là-dedans au juste pour justifier un tel déploiement de sécurité? Ça voudrait donc dire que ces histoires d’ovni et d’extraterrestres sont réelles? Ou qu’alors il pourrait s’agir de toute autre chose comme des armes expérimentales, des prototypes d’avion secret ou quelque chose comme ça?
- M’sieur Orox, il y a des rumeurs, voyez-vous… Des tas de gens par ici ont vu de drôles de choses, le plus souvent la nuit. On voit parfois des lueurs étranges dans ciel, surtout lorsqu’on regarde en direction de la zone, vers l’ouest. Il y a aussi parfois des types bizarres qui se promènent en ville sans parler à personne. On dirait qu’ils cherchent quelque chose, ce genre de truc, quoi… Vous voyez? Mais ça n’empêche plus personne de dormir, on s’habitue.
- Les drôles de types dont vous parlez… Qu’est ce qu’ils ont d’étrange au juste? demande Cruella.
- Ben, vous conviendrez avec moi mam’zelle Cruella que de voir des types rouler à 20 kilomètres-heure dans les rues en filmant tout le monde aux alentours a de quoi attirer l’attention. Mais il y a bien pire!
Le vieux marque une pause et boit une large gorgée de thé glacé de marque « Arizona » qui, incidemment, provient directement d’Arizona. J’avoue que je commence à être intrigué. Se pourrait-il qu’il se passe des choses vraiment étranges par ici? Il reprend:
- Il y a deux semaines, le fils du beau-frère de mon neveu, Tom, se baladait dans le désert dans sa Jeep à la recherche d’un endroit pour camper. Il s’est aventuré sans le savoir très près de la zone limitrophe qui confine Dreamland, vous savez? Là où on voit les panneaux qui interdisent à quiconque de franchir cette limite? Alors, Tom venait de s’arrêter dans une espèce de cuvette semi-circulaire à l’abri du vent quand il a fait une rencontre, une rencontre vraiment pas banale.
Monsieur McMurray a un don: il sait comment faire durer le suspense. Nous sommes donc obligés de lui demander:
- Une rencontre? Quel genre de rencontre?
- Attendez un peu, je vais d’abord vous mettre dans le contexte. Les gens ici croient pour la plupart que la zone 51 abrite des installations où vivent des extraterrestres qui collaborent avec les autorités US en échange de je ne sais quels avantages. Je sais, ça a l’air délirant, surtout pour ceux qui ne viennent pas d’ici, mais nous, nous sommes proches de la zone; et nous sommes pratiquement toujours les premiers informés dès qu’il se passe quelque chose d’étrange. Et je dirais qu’avec les années, certaines pièces du puzzle commencent à s’emboîter. Même si la zone 51 est ultra secrète, il y a toujours des fuites à l’occasion, des incidents, des observations et des rumeurs, et à Rachel nous en sommes toujours les premiers informés. Bien sûr, les autorités de la base émettent elles-mêmes certaines rumeurs totalement cinglées afin de brouiller les pistes, et il est plutôt difficile de démêler le vrai du faux, mais avec les années il commence à se dégager une vue d’ensemble du tableau. Jusque-là vous me suivez?
- Vous êtes tout à fait limpide, Monsieur McMurray. Continuez, je brûle de connaître la suite! dis-je.
- Donc, pour en revenir à nos fameux extraterrestres, on pense que les horribles petits Gris réticuliens sont présents sur la base, et qu’ils disposent d’installations permanentes, probablement souterraines. Ça, c’est pour le folklore… quoique… Mais il y a autre chose. Depuis quelques années, il y a une rumeur qui dit que les Gris ne sont pas la seule race extraterrestre à avoir ses entrées à la zone 51. Il y aurait aussi les « Tall Whites », qui sont très différents des Gris et qui ressemblent beaucoup aux humains, à cette différence près que le Tall White adulte typique mesure environ trois mètres, a d’immenses yeux totalement bleus, je veux dire par là qu’ils n’ont pas de blanc dans les yeux comme nous, et qu’il a 4 doigts qui se terminent par des pinces. Ces informations proviennent principalement de Charles Hall, ancien météorologue au service de l’US Air Force qui en a fait la révélation publique il y a quelques années.
- Oui, nous sommes un peu au courant à propos de ces « Tall Whites », mais ceci apparaît encore plus délirant dans le contexte vous ne pensez pas? Ce sera quoi ensuite? Une troisième, puis une quatrième race extraterrestre? demande Miss Cruella.
- À Rachel, personne n’a accordé de crédit à ces révélations, bien sûr, parce que rien ne nous permettait de corroborer les dires de Charles Hall. Rien, jusqu’à il y a deux semaines!
- Vous voulez dire que….?
- Effectivement! Il semble que Tom, le fils du beau-frère de mon neveu est tombé face à face avec un authentique Tall White en plein désert il y a deux semaines, pendant son excursion!
Je regarde Cruella, et elle semble très songeuse.
- Mais quelle histoire! Et ce Tom, il est fiable? demandai-je. Je veux dire… on voit souvent des individus au psychisme fragile chercher une forme d’attention en faisant des déclarations spectaculaires…
- Tom est un bon chrétien comme toute sa famille m’sieur Orox, et nul doute que s’il disait un mensonge qui apporte la honte sur sa famille, son propre père lui botterait le cul tellement qu’il ne pourrait plus s’asseoir pendant un siècle au moins. Et Tom est venu s’asseoir ici il y a deux jours pour me raconter tout ça, c’est donc la preuve que son père ne lui a pas botté le cul. C’est logique, non?
- Euh… Oui… sans doute… Et qu’est-ce que Tom a fait lorsqu’il l’a vu?
- Il est remonté dans sa Jeep en vitesse, a pesé sur l’accélérateur à fond et n’est plus jamais retourné dans ce coin-là. Il l’a dit que le Tall White se tenait à environ dix mètres de lui, portait une combinaison argentée et le fixait du regard sans dire un mot. Mais Tom dit aussi que ça lui a pris quelques secondes avant de réaliser qu’il était en présence d’un extraterrestre, parce que mis à part sa taille de géant, il n’avait rien de spécialement différent de nous. À part ses grands yeux bleus peut-être, aussi.
- Eh bien… Voilà un récit pour le moins spectaculaire, dis-je. Monsieur McMurray, j’aimerais vous remercier pour votre récit parce qu’un guide touristique n’aurait pas fait mieux. Ne bougez pas, je reviens à l’instant. Miss Cruella, pourriez-vous régler ce monsieur pour le plein d’essence? Je reviens dans une minute.
Je lui donne donc le billet de cinquante dollars et je sors de la station pour me diriger vers la fourgonnette. Je commence à fouiller celle-ci, et je reviens bientôt avec une excellente bouteille de Chivas Regal 18 ans d’âge: ce sera un cadeau parfait pour monsieur McMurray. J’entre de nouveau dans la station et je dépose la bouteille sur le comptoir.
- Tenez, monsieur McMurray, c’est pour vous. Et j’insiste pour que vous acceptiez; votre récit a été vraiment intéressant et je n’aurais jamais pu avoir autant de bonnes informations en arrêtant ailleurs, j’en suis convaincu, lui dis-je.
- Bof… vous savez m’sieur Orox, je m’ennuie un peu ici, et il n’y a pas beaucoup de clients dans la morte-saison. Alors, j’accepte, si ça peut vous faire plaisir. Voyons un peu… Chivas Regal… c’est quoi au juste? On dirait que ce n’est pas américain ce breuvage.
- Il s’agit d’un des meilleurs whiskys au monde, et il provient directement d’Écosse.
- L’Écosse? Quoi l’Écosse? Comme si on pouvait pas fabriquer du tord-boyaux dans notre propre pays! De toute façon, je parie qu’ils ne peuvent même pas capter Fox News dans ce pays communiste!
Tout en regardant la bouteille, McMurray reprend son air méfiant du début. Je suis moi-même estomaqué. Je savais que l’américain moyen ne s’intéresse pas tellement à ce qui se passe à l’extérieur de son pays, mais McMurray bat des records. D’autant plus que son patronyme trahit une origine indéniablement écossaise!
- Pas tout à fait, monsieur McMurray. L’Écosse est un pays d’Europe très développé. Et j’aimerais aussi vous dire que votre nom indique que vos propres ancêtres ont toutes les chances de provenir de ce pays.
- L’Europe? Il me semble que j’ai déjà entendu parler de ça… C’est près du pôle Sud, n’est-ce pas? Mon grand-père m’avait déjà dit un truc ou deux à propos de ça. Mais je suis désolé, je ne bois que du Jack Daniel’s et encore, que dans les grandes occasions.
Miss Cruella décide de prendre les choses en main.
- Monsieur McMurray, déclare-t-elle avec son plus beau sourire, vous n’aimeriez pas trinquer avec nous? Nous sommes fatigués après ce long voyage et il me semble qu’un petit remontant serait apprécié. Si vous me dites que vous aimez le Jack Daniel’s, je vous garantis que vous adorerez le Chivas Regal. On fait un petit essai?
McMurray a l’air un peu gêné.
- Bon d’accord, Miss Cruella. Mais je n’aime pas beaucoup changer mes habitudes à mon âge, vous comprenez? Allez, je sors les verres.
Il met trois verres sur la table. Je m’interpose:
- Comme je dois conduire la fourgonnette, je vais m’abstenir, si ça ne vous dérange pas. Mais je peux vous accompagner avec un peu de thé glacé.
Monsieur McMurray ouvre la bouteille et sert un verre à Miss Cruella, puis en remplit un pour lui-même. Puis il va dans son frigo et revient avec une canette de thé glacé aromatisé aux bleuets qu’il me tend.
- À la zone 51! déclare-t-il en levant son verre.
- À la zone 51! répondons-nous à l’unisson.
Le vieillard boit son verre d’un trait, et me regarde d’un oeil suspicieux. Au bout d’un moment, son air s’épanouit et il se met à rigoler doucement en reposant son verre avec fracas sur le comptoir.
- Mais c’est un vrai nectar!!! s’exclame-t-il d’une voix forte.
- Je vous l’avais dit, rétorque Cruella.
McMurray devient pensif.
- L’Écosse, hein? Eh bien, je vais aller me cultiver un peu là-dessus, je crois.
Je décide que nous nous sommes suffisamment attardés comme ça. Le temps passe et je veux prendre possession de ma chambre à l’hôtel un peu plus loin. Je tends la main à McMurray.
- Alors, nous allons poursuivre notre route, Monsieur McMurray. C’est un plaisir pour moi de vous avoir connu!
- Moi de même! ajoute Cruella.
- A la revoyure, mes amis! Comptez-vous demeurer quelque temps avec nous?
- Oui. Nous allons loger au « A ‘le ‘Inn’ un peu plus loin, nous aurons peut-être l’occasion de nous revoir.
- Bien d’accord, m’sieur-dame! Je vais quand même vous raccompagner dehors et reprendre mon poste sur mon vieux fauteuil!
Nous sortons de la station tous les trois. Surprise, une camionnette noire est garée devant le porche, le moteur toujours en marche. À l’intérieur, deux types baraqués avec des verres fumés noirs nous observent sans rien dire. La réaction de McMurray ne se fait pas attendre: il lève un doigt d’honneur bien en évidence à l’adresse des deux types dans la camionnette noire.
- Vous pouvez toujours vous asseoir là-dessus en attendant! hurle-t-il à leur intention.
Le conducteur répond par le même geste avec un grand sourire. Puis il embraye en marche arrière et quitte la station en roulant lentement.
- Euh… Des amis à vous, Monsieur McMurray? je lui demande.
- Des amis? Presque. Ce sont des fédéraux, m’sieur Orox, et on joue ensemble au même petit jeu depuis des années. Ils viennent se garer ici à l’occasion, je les envoie se faire foutre, ils répondent de la même façon et ils repartent. C’est devenu une habitude.
- Et vous n’avez pas peur d’avoir des ennuis en les insultant?
Monsieur McMurray se tourne vers moi et me regarde d’un air sévère.
- On voit bien que vous n’êtes pas d’ici. Écoutez-moi bien, m’sieur Orox: je suis une personne honnête et je paie mes impôts. Je peux donc envoyer se faire foutre qui je veux, même le président Obama si ça me chante. Ça ne fonctionne pas comme ça chez vous?
- Presque… Monsieur McMurray… Presque. Allez, à la revoyure!
- O.K. Bon vent! Et revenez me voir si vous avez besoin de quelque chose, mon magasin est plein et les clients sont rares!
- J’en prends bonne note! Au revoir!
Nous grimpons dans notre fourgonnette de location. Direction: le ‘A ‘Le ‘Inn motel, à peine un kilomètre plus loin. Tout en mettant le moteur en marche, je regarde Miss Cruella avec un sourire.
- Je pense que j’ai trouvé!
- Trouvé quoi, Orox?
- J’ai un plan! Je pense qu’on va pouvoir s’infiltrer dans la zone 51! Allons nous installer au motel, je vais vous expliquer tout ça!
Et j’accélère doucement en engageant la route vers Rachel, qui se trouve un peu plus loin.
Fin de la première partie… À suivre dans cette seconde partie…
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Orox,
Y a comme du Frédéric Dard dans votre style, et j’adore.
Vous me faites penser à un personnage à la « bérurier » , ça a bercé toute ma jeunesse, (surement trop près du mur !) mais toujours est-il que je m’impatiente de lire votre prochain épisode.
Orox,
http://www.youtube.com/watch?v.....re=related
Ne pas Oublier en cas.
Une amie.
Améthyste
Toutain: Frédéric Dard est un maître et je ne lui arrive pas à la cheville… Merci de votre commentaire!
Amé: Mais vous êtes tous des obsédés ma parole! Je n’ai fait que jouer au Twister avec Miss Cruella!
Mais vous êtes tous des obsédés ma parole!
Excusez-moi Orox, j’en reste loin obsédée de vos articles « genre Cruella » à la ringuarde masculine!!
Justement c’ est un lien préventif!!!
Qu ‘y -a t-il d’ obsédé là- dedans?
Améhyste
Interview d’Egon Kragel et Yves Couprie avec en prime un peu de musique pour adoucir vos mœurs…
http://sites.radiofrance.fr/fr.....p?id=91147
Orox,
je pensais à un truc, vivant dans le midi de la France, le « 51″ ça nous connait..y a même un dicton par chez nous qui dit : un 51, sinon rien, c’est vous dire !
Y aurait peut-être un bon business à monter à (sur) Rachel.
Pourquoi après la route 375, ne pas prendre la voix du 51 ?
En effet, sous ces températures torrides, qui pourrait refuser ce raffraichissant breuvage anisé capable de délier les langues ? Un McMurray, sur le coté comme au milieu, ne saurait y résister..
Pourquoi après la route 375, ne pas prendre la voix du 51 ?
La plage 56,moules-plage- Bretagne, un peu moins beuverie que le 51!!
Améthyste
Toutain et Amé: Le 51 c’est comme un espèce de Pernod? OK… J’en parle à Mc Murray et on verra ce qu’on peut faire dans l’épisode 2.
Bonjour Cher Monsieur Orox.
de l’action nous voulons de l’action!
Je compte sur vous pour nous raconter toute les trouvailles UFOlogique (?) avance !
Bon sejour en zone 51!
Amitie
-anti
antilove: Rassurez-vous, de l’action il y en aura! Sans compter quelques révélations stupéfiantes sur ce qui se passe réellement dans la zone 51!
Merci de votre commentaire!
Bonjour monsieur Orox je me suis tellement accroché a votre petite histoire car j’aime enormement traiter tout ce qui est ufo !! j’aimerais savoir, c’est révélations que vous faîtes dans votre texte reste incertaines ? elle ne sont pas vraiment prouvées ? ce n’est que fantastique ? ormi le coté vrai et mystérieux de cette base militaire surnommée » AREA 51 »
Merci Orox continuez ainsi ! hâte d’etre à l’épisode 3
Cher Benjamin,
Il existe réellement une portion du complexe militaire de Nellis qui se nomme Area 51 et qui est interdite d’accès au public. Quant aux fameux « Tall Whites » il existe un personnage nommé Charles Hall qui prétend avoir travaillé dans la zone 51 en tant que météorologiste et qui est à l’origine de ces prétendues « informations » sur cette prétendue race extraterrestre. Bien entendu, il n’existe aucune preuve…
Voici quelques liens sur ce sujet qui pourraient vous intéresser:
http://openseti.org/Hall.html
http://www.ufomind.com/area51/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_51
Merci de votre commentaire!
Bon Orox, juste un bref passage pour dire que c’est simplement délicieux
Orphée: Le meilleur reste à viendre!