Du rififi à la zone 51 (partie 3)

Rédigé par Orox le — Publié dans Delirium paranormalis

Résumé de l’épisode précédent: Orox et sa fidèle adjointe administrative Miss Cruella ont découvert un moyen d’infiltrer la zone 51 et ce, de façon entièrement écologique. Grâce à des échasses et des déguisements, ils personnifieront des Tall Whites, une supposée race extraterrestre qui serait présente dans la zone 51. Nos deux protagonistes réussiront-ils à s’infiltrer dans la zone sans s’étrangler de rire devant le poste de garde? Et si oui, que découvriront-ils? Le secret de la propulsion supraluminique? Le trésor des templiers? La vraie nature de Bernadette? Ou pire encore? Retrouvons donc nos deux héros dans la suite de cette histoire épique.

N.D.L.R.: Je tiens à préciser qu’il s’agit d’une histoire imaginaire et que Cruella, Orox, McMurray et les autres sont des personnages de fiction. Par contre, certains éléments de l’histoire sont tout à fait réels, comme par exemple le village de Rachel ou «The Mailbox», ou encore les cactus dans le désert: ça existe réellement. (Note: il s’agit de la troisième partie du récit «Du rififi à la zone 51». Avant de poursuivre votre lecture, assurez-vous d’avoir lu la partie 1 et la partie 2.)

Le 4 juillet, 18 h 00

Ça y est: nous sommes le jour «H». Cruella et moi sommes dans la chambre du motel en train de passer en revue les derniers détails de l’opération. La veille, nous nous sommes encore entraînés avec les échasses et mon adjointe est devenue une véritable experte puisqu’elle peut maintenant effectuer un triple salto arrière les doigts dans le nez. Aujourd’hui, nous nous sommes reposés afin d’être alertes en vue de la longue soirée qui nous attend…

- O.K. Nous allons garer la fourgonnette au même endroit où le fils du beau-frère du neveu de McMurray a aperçu le soi-disant Tall White, dis-je.

- Pourquoi cet endroit au juste? demande mon adjointe.

- Premièrement, parce que ce terrain offre de bonnes possibilités de camouflage pour la fourgonnette puisqu’il s’agit d’un creux géologique bien à l’abri des regards. Deuxièmement, ce lieu n’est pas situé à l’intérieur de la zone interdite donc il est «propre» légalement parlant. En outre, cet endroit nous servira de base de repli advenant un pépin.

- Un pépin? Sincèrement Orox, je me dis qu’au moindre petit pépin nous nous retrouverons dans une jolie cellule si rapidement que nous n’aurons même pas le temps d’enlever nos masques. Mais bon… au point où nous en sommes et puisque que nous ne savons rien de ce qui nous attend, aussi bien foncer.

- Voilà qui est parlé! Et la suite est très simple: comme la première guérite est à environ 2 kilomètres de notre camp de base, nous saurons très rapidement à quoi nous en tenir: ou on nous arrête ou alors nous entrons dans la mythique zone 51, le saint des saints de l’ufologie. C’est aussi simple que ça!

Miss Cruella me regarde, un peu perplexe.

- Orox, je crois déceler chez vous quelque chose qui s’apparente à de l’enthousiasme. Vous êtes sûr que vous allez bien?

- Allons Miss! Ne venez pas me dire que vous ne sentez pas au moins un minimum de fébrilité à l’idée de ce qui nous attend si jamais nous parvenons à nous introduire dans la zone 51! C’est quand même plus excitant que des mots croisés ou un jeu de Monopoly, non?

- Possible… Mais je me dis qu’il faut avant tout garder la tête froide afin de ne pas commettre d’erreur dans ce type d’entreprise. Et si ça fonctionne, nous aurons tout le temps de nous réjouir par la suite. Il ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, vous savez… Qu’en pensez-vous?

Pauvre Cruella… Parfois, j’ai l’impression qu’elle a un programme informatique à la place du cerveau. Je me demande bien ce qui a pu se produire dans sa vie pour qu’elle devienne comme ça. Pourtant, je dois reconnaître qu’elle a raison… mais pas question pour moi de perdre la face:

- Je comprends tout à fait votre point de vue. Donc, comme vous dites, on fonce mais on garde la tête froide. C’est ça? Je crois déceler chez vous quelque chose qui s’apparente à de la contradiction. Vous êtes sûre que vous allez bien? que je lui demande, en souriant de façon stupide.

Je reçois instantanément un coup de poing amical, quoiqu’un peu fort, sur l’épaule.

- O.K. Orox. On passe en revue une dernière fois le matériel et on y va.

Putain d’insecte!

Après avoir chargé le matériel dans la fourgonnette, nous nous apprêtons à y grimper. C’est alors que je remarque un très joli papillon qui vient se déposer en plein centre du pare-brise en virevoltant gracieusement.

Il bat des ailes doucement et ne semble pas du tout effarouché par notre présence. C’est un spécimen magnifique; aussi nous le contemplons quelques instants puis nous embarquons dans la fourgonnette.

- Eh bien… C’est un courageux celui-là… Il n’a même pas bronché quand nous avons fermé les portières. Allez, je vais lui filer un coup d’essuie-glace pour dégager le champ de vision, dis-je en démarrant le moteur.

- Attendez! Vous n’allez quand même pas tuer cette pauvre bestiole, Orox! Il s’agit d’un papillon monarque, une espèce qui migre sur des milliers de kilomètres, cas pratiquement unique chez les insectes. Laissez-moi faire, je m’en occupe, répond-elle.

Elle fouille dans le coffre à gants et en ressort un trousseau de clés avec lequel elle se met à cogner sur le pare-brise vis-à-vis le papillon, lequel ne bronche pas. Il cesse même de battre des ailes. Je me mets à ricaner.

- Vous êtes devenue bouddhiste subitement, Miss? Si vous pensez qu’un coup d’essuie-glace est un châtiment trop cruel, qu’est-ce que vous diriez si on optait pour une demi-mesure? Un petit coup de lave-glace par exemple? En plus, il sera propre comme un sou neuf.

- Un instant Orox! Il y a quelque chose qui ne va pas…

Elle se tourne vers moi et me dévisage:

- Danaus Plexippus, me dit-elle.

- Très bien merci. Et vous? je lui réponds, tout sourire.

- Vous ne comprenez pas. Danaus Plexippus, ou plus communément appelé papillon monarque. Il est présent partout en Amérique du Nord et en Australie, et il migre une fois l’an vers le sud en direction du Mexique à partir du mois d’août. Nous ne sommes pas très loin du Mexique et nous sommes seulement le 4 juillet. Ça ne colle pas. Qu’est-ce que ce papillon fait ici? Il devrait être beaucoup plus au nord.

- Ben quoi… il s’est probablement égaré. Ce doit être un papillon alcoolique, un vrai rebelle qui refuse de suivre les autres.

- Impossible. Les migrations des monarques sont extrêmement régulières et précises. Il y a quelque chose qui cloche. Je vais aller voir ça de plus près, dit-elle en détachant sa ceinture de sécurité.

J’arrête le moteur et sors à mon tour, passablement intrigué par le papillon, mais aussi par le comportement de Miss Cruella. Nous nous tournons vers le pare-brise, chacun de notre côté du véhicule. Le papillon semble inerte, il ne bat plus des ailes. Mon adjointe le saisit très délicatement et le positionne dans la paume de sa main droite.

- Venez voir Orox.

Je contourne la fourgonnette et j’arrive près d’elle.

- Ce n’est pas un papillon, j’en suis sûre, dit-elle.

Cruella arrache délicatement une aile du monarque, puis l’autre. Je commence à me dire qu’elle a pété les plombs et qu’il faudra revenir d’urgence au Québec très rapidement.

- Écoutez Miss! Ce n’est pas parce que…

- Regardez, merde! dit-elle de façon autoritaire.

Dans le creux de sa main, on voit clairement que les ailes du papillon sont munies de tiges et d’agrafes d’aspect métallique. Je suis stupéfait. Un micro-drone!

- Montrez-moi ça, dis-je en tendant la main.

Cruella me tend les fragments du faux papillon, que je saisis et dépose dans le creux de ma main.

- Ça, c’est votre rayon, Orox, dit-elle.

Je regarde les fragments quelques secondes.

- Ce que je vois est incroyable, Miss. Il s’agit d’un micro-drone de quatrième ou même de cinquième génération, qui imite la morphologie d’un insecte à la perfection. En principe, un truc pareil ne pourrait pas être mis au point avant 25 ou 30 ans.

- Pourquoi?

- Vous l’avez vu tantôt se poser sur le pare-brise? Eh bien, la technique de vol de cet engin est exactement la même que celle d’un insecte: il bat des ailes pour se déplacer. Il ne fonctionne pas comme les micro-drones actuels, qui s’inspirent de l’avion ou encore de l’hélicoptère pour leur propulsion et qui possèdent un moteur minuscule. C’est incroyablement avancé, possiblement cybernétique, ce qui expliquerait le mode de locomotion. Sincèrement Cruella, je suis sur le cul, sauf votre respect. Je n’aurais jamais cru voir un truc semblable un jour.

- C’est donc d’origine extraterrestre? demande-t-elle.

- Pas nécessairement. Mais, en comparaison, les micro-drones actuels sont équipés de mini-caméras et servent presque uniquement à la reconnaissance de terrain puisqu’on ne peut vraiment y embarquer d’autres types de matériel, ce qui exigerait une échelle de miniaturisation encore impossible à l’heure actuelle. Je parle de micros, de positionnement GPS ou de matériel de vision nocturne par exemple, qui sont des technologies difficiles à miniaturiser davantage pour l’instant. Ce qui fait que le plus petit micro-drone disponible actuellement fait une bonne quinzaine de centimètres d’envergure, pèse un peu moins de cent grammes, et a un rayon d’action très limité; tandis que celui-ci est environ trois fois plus petit, se déplace exactement comme un insecte volant en plus d’en avoir l’aspect parfait, et pèse cinq grammes à tout casser. Ça suppose donc que les dispositifs qu’il possède sont encore plus avancés… Dieu seul sait ce que ce truc peut faire.

- Je commence à comprendre… Alors, qu’est-ce qu’on fait avec ce micro-drone? On le détruit? On l’amène avec nous?

- Non. On ne le détruit pas, pas plus qu’on l’emmène avec nous, c’est trop dangereux. Nous allons le laisser en lieu sûr et on viendra le récupérer lorsque nous reviendrons de la zone 51.

- Et où voulez-vous qu’on le laisse? Dans une de nos chambres au motel? Chez McMurray?

- Non Miss… je ne veux pas attirer d’ennui à McMurray… Et puis, on ne sait pas encore si le micro-drone nous était destiné ou s’il s’agit d’un hasard… Laissons-le ici, tout près mais bien camouflé. Sous le porche de l’entrée latérale, par exemple… Il sera facile à récupérer plus tard.

- Je m’en occupe, Orox. Le temps de le mettre dans un sac en plastique et de le camoufler, je reviens dans une minute.

Miss Cruella se dirige d’un pas vif vers le côté de la bâtisse avec le micro-drone en pièces détachées et disparaît de ma vue à l’angle du mur. Elle en revient bientôt avec un petit sourire.

- Et voilà! La bestiole est en lieu sûr!

- Go! En route pour la zone 51, nous avons assez perdu de temps.

Nous montons dans la fourgonnette. Je démarre et nous quittons le parking du «A’ Le ‘Inn Motel» en soulevant un nuage de poussière derrière nous.

- Eh bien, Cruella, je voudrais vous féliciter pour votre présence d’esprit. Sans votre sens de l’observation et vos connaissances entomologiques, nous ne serions jamais tombés sur ce phénomène qui dépasse l’entendement. Pensez-y: un micro-drone d’une technologique nettement plus avancée que tout ce qui se fait actuellement dans ce domaine. C’est dingue!

- Il n’y a pas à dire, c’est quand même pratique une gonzesse intelligente à l’occasion, hein Orox?

- Et comment! C’est la raison pour laquelle vous pouvez dormir tranquille avec moi: je ne suis attiré que par les femmes connes et superficielles. Elles sont tellement plus faciles à manipuler… euh… je blague, bien sûr, Miss.

Miss Cruella se met à rire franchement en frappant l’accoudoir de la portière. Héhé… Je crois que je viens de marquer un point!

Dans lequel est écrit 6 fois le mot «fourgonnette»

Quelques minutes plus tard, nous obliquons à droite à «The Maibox», ce fameux point de repère qui donne accès à la piste menant tout droit à la zone 51. L’aspect de cette boîte aux lettres, perdue au milieu de nulle part, a quelque chose d’insolite et d’inquiétant. Pendant qu’on s’engage plus avant dans la piste, je ne peux m’empêcher d’être ébahi encore une fois par le décor qui règne autour. Comme nous nous dirigeons vers le soleil couchant, les ombres projetées par les cactus s’allongent et strient le terrain rougeâtre d’une multitude de zones d’ombres très noires, ce qui donne un très étonnant contraste au sein de cet air sec au possible. Les couleurs sont magiquement vives et nettes, et il n’y a pas de smog par ici, bien sûr. Bref, le «Silver State» ressemble à tout sauf au Québec, très loin au nord du continent. Dans ce paysage lunaire, ou même martien à la limite, la fourgonnette fait son chemin à environ 50 kilomètres/heure sur une piste très bien entretenue.

- Vous vous rendez compte? Nous n’avons pas croisé un seul véhicule depuis notre départ de Rachel… Tant mieux! Moins nous sommes visibles, mieux c’est! lance Cruella sans me regarder, attentive à la route devant.

- Probablement parce que nous sommes le 4 juillet, et que beaucoup de gens sont en congé et sont partis faire la fête à Las Vegas… Mais si jamais nous devons croiser un véhicule, ce sera ici. Nous ne sommes pas encore dans le no man’s land, mais à partir d’ici nous sommes susceptibles d’être détectés par les Cammo Dudes. Si nous pouvons parvenir sans encombre au creux de terrain décrit par McMurray, la phase 1 du plan sera réussie.

Cruella pointe son index devant, un peu vers la droite.

- Vous voyez ces petites buttes devant? Je parie que c’est là. C’est un peu à l’écart de la piste mais ce petit dédale tout en relief peut nous offrir une planque idéale, j’en suis sûre.

- D’accord, Miss. À droite toutes!

Je ralentis un peu, puis je donne un coup de volant et je m’engage résolument hors de la piste. Ça secoue un peu, mais moins que je pensais car le sable est très dur dans cette portion du pays. Tout en me rapprochant des buttes, je remarque qu’il y a des traces de pneus un peu partout. J’ai l’impression que Miss Cruella a eu une très bonne intuition en me disant de tourner ici. Les traces de pneus finissent par converger et je décide de les suivre, puisqu’elles vont vers les buttes, lesquelles sont maintenant tout près. Un peu plus loin, la piste improvisée commence à zigzaguer entre les petits monticules de pierres, m’obligeant à ralentir encore un peu.

Le chemin est devenu raboteux mais reste praticable, à condition d’être vigilant. Après un dernier détour, l’horizon s’élargit et un charmant panorama s’offre à nos yeux. Une espèce de grande cuvette en forme de demi-cercle s’ouvre devant nous, environnée de petits pics de pierre hauts de 15 à 20 mètres. On dirait un ancien impact de météorite. Le tableau est surréaliste et j’ai l’impression d’être sur Tatooine, la planète des sables de Star Wars. Je gare la fourgonnette et nous en sortons en nous étirant un peu.

- On dirait bien que c’est ici. Regardez, il y un reste de feu de camp là-bas, dis-je en désignant du doigt un petit campement très rudimentaire.

- En effet… À en juger par les bouteilles de bière qui jonchent le sol, le coin semble fréquenté de temps en temps par des bandes de jeunes qui cherchent un coin peinard pour faire la fête… Un peu comme chez nous, quoi, répond Cruella.

Je fais lentement quelques pas, puis je me tourne vers elle.

- Alors… C’est ici que Tom, le fils du beau-frère du neveu de McMurray est tombé nez à nez avec un soi-disant Tall White… Ça a dû être plutôt impressionnant, surtout dans ce paysage étrange, vous ne pensez pas? Mais trêve de bavardage. D’après vous, le topo est bon, Miss?

- Bien sûr. Nous sommes à environ 400 mètres au nord de la piste, et à moins d’un kilomètre des premiers panneaux de semonce, lesquels marquent l’entrée de la zone interdite au public. Il est impossible de voir la fourgonnette de la route et les multiples traces de pneus autour ne feront qu’ajouter à la confusion si quelqu’un vient dans le coin. Bref, cet endroit est parfait.

- O.K. De mon côté, ça baigne également. Donc nous procédons avec la suite: les costumes.

Nous retournons vers l’arrière du véhicule, j’ouvre le hayon et je saisis le grand sac de sport dans lequel est remisé l’équipement. Nous revêtons rapidement les costumes argentés, puis les masques. Pour les échasses, c’est très simple: on s’assoit sur le bord de la fourgonnette pour les enfiler et hop!, on est debout en un clin d’oeil. Je regarde Miss Cruella dans son costume de Tall White, elle a vraiment un look d’enfer! Avec en plus des échasses qui la grandissent d’environ 1 mètre, elle est très impressionnante.

- Vous avez votre matériel? je lui demande.

- Oui Orox, j’ai mon hyper-téléphone portable, mon fouet et mes menottes. Et vous, ça va?

- Pas de problème, Miss. J’ai tout ce qu’il faut également. Deux bouteilles de Chivas Regal, un câble de nylon ultra-résistant et une bible. Bon. Il est maintenant 19 h. Si nous partons maintenant, nous pourrons parvenir sans nous presser à la première guérite à 19 h 30 pile, comme prévu.

- Alors, je nous souhaite à tous les deux «bonne chance», Orox! Pour l’ufologie?

- Pour l’ufologie! Et pour le fric, la pub et la gloire pour les siècles des siècles qui viendront avec si jamais on réussit! dis-je solennellement, tout en essayant de contrôler l’émotion dans ma voix.

Nous partons après avoir verrouillé la fourgonnette. Sur le sable dur et la roche, se déplacer avec les Powerstriders est un jeu d’enfant et une allure de 20 kilomètres/heure est très facile à maintenir. Nous faisons pendant un moment le trajet inverse de celui effectué quelques instants plus tôt avec la fourgonnette, puis nous dévions vers l’ouest bien avant de rejoindre la piste, question de rester un peu en retrait advenant une mauvaise rencontre sur la route. Le terrain commence à monter en pente douce. Au loin, on commence à distinguer l’un de ces fameux panneaux d’avertissement qui parsèment tout le périmètre à intervalles réguliers.

- Dirigeons-nous vers le panneau, Orox. Je vais en profiter pour faire un petit test photo avec mon hyper-téléphone portable.

- D’accord. De toute façon, nous allons dans la bonne direction. À partir de ce panneau, il nous restera environ un kilomètre à parcourir avant d’atteindre la première guérite.

Nous nous rapprochons du panneau qui grossit à vue d’oeil et se détache très nettement sur l’horizon, étant éclairé par derrière par le soleil couchant orangé. Arrivée devant, Miss Cruella sort son appareil et prend une photo de l’écriteau.

- Et voilà! Attendez un peu que je vérifie… Ça fonctionne! La photo est parfaite.

- Bizarre… dis-je. Le texte est rédigé en français. Les Ricains ne sont pourtant pas réputés se soucier tellement des autres cultures dans leurs messages publics légaux… C’est vraiment étrange à bien y penser.

- Oui, mais Orox, rappelez-vous que nous sommes dans une histoire de fiction, donc tout peut arriver. Restons sur nos gardes!

- Vous avez raison Cruella. Méfions-nous de ce panneau. Allez, continuons vers la guérite, elle ne doit plus être tellement loin maintenant. Et maintenant, si vous êtes d’accord, permettez-moi de franchir le rubis con en premier.

- Le quoi? Oh! J’y suis! Vous vouliez dire le Rubicon, n’est-ce pas? Allez-y mon cher, à vous l’honneur, répond-elle en m’invitant à passer la ligne prohibée d’un geste gracieux.

Et c’est ainsi que nous entrons dans la zone interdite entourant la mythique zone 51. Dès cet instant, nous sommes susceptibles d’être abattus sans aucune sommation si jamais on nous surprend. Que Dieu nous vienne en aide.

Deux super Tall Whites se déchaînent!

Nous marchons pendant quelques minutes, finissant par rejoindre la piste environ deux cents mètres avant le poste de garde qu’on aperçoit maintenant très clairement devant nous. À partir de là, le périmètre est cerné complètement par une immense clôture métallique qui s’étend à perte de vue de chaque côté de la petite bâtisse en ciment. On dirait un bunker de la Deuxième Guerre mondiale. Sur le toit est installée une espèce de mirador et, en s’approchant, je remarque que des militaires lourdement armés sont aux aguets avec des jumelles.

- Cette fois on ne peut plus reculer! Ils nous ont repérés, c’est sûr! Je vous propose une chose, Cruella: on pique un sprint jusqu’à la barrière, histoire de jeter un peu de poudre aux yeux en les impressionnant avec nos capacités physiques. Une fois rendue sur place, laissez-moi faire. Vous marchez?

- Je ne marche pas, je cours!

Et elle s’élance en avant. Je me mets à courir à mon tour à fond de train. Nous atteignons facilement une grande vitesse et nous fonçons droit vers le poste de garde. Les militaires nous regardent arriver sans faire aucun geste hostile envers nous. À peine essoufflés, nous ralentissons la cadence et nous arrivons directement devant la barrière automatique. Ça doit quand en jeter de voir deux géants mesurant trois mètres de hauteur arriver vers vous à 40 kilomètres/heure! À l’intérieur, quatre jeunes types dans la vingtaine nous regardent d’un air stupéfait, sans esquisser un geste. C’est exactement ce que je pensais: ce sont des bleus.

Alors, je répète intégralement le petit scénario que j’ai imaginé pour cet instant précis. Je désigne du doigt la barrière et d’un geste autoritaire, je fais signe aux gardes de l’ouvrir. Depuis un petit haut-parleur fixé sur la paroi du poste de garde, une voix nerveuse se fait entendre:

- Euh… Je… Excusez-moi si je vous demande pardon m’sieur, mais qu’est ce que vous faites en dehors de la zone? Vous vous êtes égarés ou quoi? Euh… Vous voulez entrer?

Je ne réponds pas à sa question et je répète le même geste en montrant la barrière, mais cette fois en y mettant de la colère. La voix reprend aussitôt:

- Euh… Vous fâchez pas m’sieur, c’est mon premier jour ici. Je… Je vous ouvre tout de suite. N’oubliez pas que je suis votre ami. Veuillez patienter quelques secondes, la barrière va s’ouvrir.

Puis la voix s’adresse aux autres militaires présents dans le poste de garde.

- Vous avez entendu ce qu’a dit le sergent pendant le briefing ce matin? Ouvrez cette barrière tout de suite! Et je m’en fous de savoir s’ils sont oui ou non sur la liste! Je suis trop jeune pour mourir!

Je décide de profiter de mon avantage et de leur offrir le clou du spectacle. Je recule d’un pas, puis je m’élance en avant en effectuant un bond prodigieux par-dessus la barrière. Cruella fait de même tout de suite après et vient me rejoindre de l’autre côté. Les types nous regardent partir, complètement sonnés. Après quelques pas, alors que nous regardons la route se perdre au loin, Cruella n’en peut plus et s’exprime gaiement.

- Je rêve, Orox! Je rêve! Pincez-moi! Nous sommes passés! Nous sommes passés! dit-elle, au comble de l’excitation.

- Oui Miss, nous sommes passés! Et tenez votre caméra prête à filmer… J’ai l’impression que nous ne sommes pas au bout de nos surprises!

Zone 51 en vue

Entre le poste de garde et les gigantesques bâtiments de la zone 51, il y a quelques kilomètres complètement déserts, à cette différence près que la route que nous suivons est asphaltée et dans un état impeccable. De même, elle est éclairée la nuit par des luminaires routiers disposés à intervalles réguliers. Cruella fait le point:

- OK. Nous sommes maintenant dans le complexe de Nellis, mais pas dans la zone 51 proprement dite. Il y a encore une trentaine de kilomètres qui nous sépare de celle-ci. La route à parcourir est encore longue, Orox.

- À une cadence de 20 kilomètres/heure comme nous le faisons actuellement, nous serons sur place dans approximativement une heure trente si tout va bien.

- En tout cas, les Tall Whites semblent avoir un statut vraiment particulier parmi le personnel de la base. Vous avez vu la tête du type qui nous parlait à travers la baie vitrée? Il avait l’air complètement terrorisé! Nous savons donc que nos déguisements sont parfaits.

- Ils sont plus que parfaits Miss, ils sont la clé de la réussite de notre opération. Ils nous serviront de sauf-conduit partout où nous irons sur la base.

- Mais un truc m’inquiète… S’ils nous ont laissés entrer si facilement, ça veut dire qu’il y a vraiment des extraterrestres sur la base, non?

- On dirait bien… Je sais à quoi vous pensez Miss, mais essayons de prendre les problèmes un à un, au fur et à mesure qu’ils se présenteront. C’est bien d’anticiper, mais seuls des gestes concrets nous permettront d’arriver à nos fins, d’accord? On essaie de ne pas trop se faire de mauvais sang.

Cruella se prépare à répondre, mais s’interrompt et me désigne quelque chose devant.

- Regardez Orox! Un véhicule vient vers nous.

Loin devant nous, deux points lumineux sont apparus et leur éclat augmente.

- Qu’est-ce qu’on fait? demande Cruella, un peu inquiète.

- On ne fait rien. On continue comme si de rien n’était. On verra bien ce qui arrivera. Que pouvons-nous faire d’autre? dis-je.

Après quelques instants, nous finissons par distinguer plus nettement le véhicule qui vient à notre rencontre. Il s’agit d’une Jeep décapotable réglementaire de l’USAF. Deux personnes y prennent place, le chauffeur et quelqu’un qui ressemble à un officier à sa droite. Nous commençons à être tendus, Cruella et moi, mais nous continuons toujours à avancer. La Jeep arrive bientôt à notre hauteur et il se produit quelque chose d’étonnant. Le passager nous envoie un salut militaire impeccable et le véhicule poursuit sa route comme si de rien n’était. La tension redescend quelque peu.

- Vous avez vu le type qui nous a salués respectueusement, Miss? C’était un colonel, rien de moins! dis-je.

- Sans doute ont-ils reçu un appel des gardes du poste où nous sommes passés tantôt, et ils sont venus voir si tout allait bien? Ils ont même dépêché un haut gradé sur place, sachant que des Tall Whites sont impliqués?

- Bien vu. Mais ce qui m’étonne le plus c’est ce respect, ou même cette crainte que nous semblons inspirer chez les militaires. En tout cas, je suis convaincu que nous entrerons dans la zone 51, et beaucoup plus facilement que prévu.

Nous poursuivons notre route pendant plusieurs kilomètres sans dire un mot. Le crépuscule lance ses éclats ultimes et les luminaires routiers viennent de s’allumer. Un peu plus loin, la zone 51 est complètement illuminée.

Nous approchons. Au bout d’un moment, Cruella prend la parole:

- Je me demande un truc: au besoin, est-ce qu’on peut parler aux militaires? D’après les écrits de Charles Hall sur les Tall Whites, ils communiquent entre eux avec des sons qui ressemblent un peu à des aboiements et des sifflements. Je me vois mal en train d’aboyer pour expliquer quelque chose aux militaires! Quoique…

- Je crois me souvenir que, toujours selon les dires de Hall, les Tall Whites disposent d’un dispositif technologique permettant de communiquer verbalement avec les humains et de façon articulée. Si nous n’avons pas le choix, nous devrons nous résoudre à leur parler. Mais j’ai quand même l’impression que, vu leur comportement craintif à notre égard, nous pourrons faire ce qui nous plaît tant que nous resterons cohérents.

Bon, je crois que nous arrivons. On fait une pause-pipi 5 minutes, on boit un coup d’eau et on y va?

- D’accord Orox. Je vais en profiter pour étudier la carte une dernière fois avant d’entrer, répond-elle.

- Comme vous voulez, mais je suis persuadé que cette carte «officielle» glanée sur Internet est totalement bidon et qu’il faudra improviser une fois à l’intérieur.

- C’est ça… et si jamais elle n’est pas bidon, je serai très heureuse de l’avoir étudiée à l’avance! Ça vous va comme ça, Orox? dit-elle d’un ton sans réplique.

Je n’insiste pas et je saisis mon sac à dos, qui contient entre autres une bouteille d’eau et quelques barres chocolatées. Je me dis que même si notre aventure devait se terminer ici, nous avons fait une performance unique dans l’histoire. Le simple fait d’avoir réussi à s’introduire sur une base ultra secrète de l’US Air Force déguisés en extraterrestres est un exploit sans précédent dans toute l’histoire encore jeune de l’ufologie.

Devant nous, éclairant l’horizon de mille feux, la zone 51 scintille à moins de deux kilomètres. On perçoit des bruits sourds au loin et des lumières clignotantes dans le ciel indiquent qu’il y a une ou même plusieurs pistes d’atterrissage dans le coin. J’ai l’impression que je ne serai plus le même homme après cette aventure et Cruella non plus, même si elle est une femme. Mais qu’est-ce que je débloque…

Je me sens tout à coup minuscule devant la zone, j’ai presque l’impression qu’elle va bientôt m’avaler tellement elle me paraît gigantesque, même distante de deux kilomètres. Bon dieu de merde que je déteste me sentir comme ça! On dirait que c’est seulement lorsque j’essaie de séduire une fille que je me sens vivant et ici ce n’est plus tellement possible… Je prends donc note mentalement qu’il me faudra aller voir une jolie psychanalyste hors de prix à mon retour au Québec. Si retour il y a.

Fin de la partie 3… À suivre…

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14 réponses à “Du rififi à la zone 51 (partie 3)”

  1. Orion-e dit :

    Merci cher Orox. Hihi! Votre talent n’a d’égal que mon pouvoir de persuasion, on dirait! ;-)

    Sans fausse modestie, bien sûr.

  2. Orox dit :

    « Demandez et vous recevrez » comme disais quelqu’un de très célèbre dont j’ai oublié le nom… ;-)

  3. NEMROD34 dit :

    Un charlatan ?

  4. Orox dit :

    Probable… Ça sonne comme un slogan publicitaire en tout cas.

  5. Orion-e dit :

    « comme disais quelqu’un de très célèbre dont j’ai oublié le nom »

    Vous parlez sans doute de Rhonda? C’est donc une preuve irréfutable que « le Secret », ça fonctionne.

    Je voudrais, avec outrecuidance, vérifier un paramètre de l’expérience avant de conclure sur un C.Q.F.D. définitif.

    Admettons que nous changions une variable à l’expérience, et qu’une tierce personne vous ait demandé la même chose, auriez-vous acquiescé avec autant d’empressement? Je suggère pour l’exemple Nemrod, puisqu’il s’interpose sans humour dans votre réjouissant Delirium.

    Pouvons-nous donc affirmer que devant l’adage « demandez et vous recevrez », tous sont égaux?

  6. Orox dit :

    Orox, dans sa magnanimité proverbiale, applique une objectivité totale dans ses rapports avec les gens à cette différence près que, conformément à une vision Nietzschéenne des rapports humains, ceux-ci sont assujettis à une sorte de sélection naturelle qui ne tient pas tellement compte des codes de conduites dits « civilisés’ qui font de l’humanité ce qu’elle est plutôt que ce qu’elle devrait être.

    Autrement dit, tout ce qui porte une jupe passe avant, :-) et votre pouvoir de persuasion y est intrinsèquement lié.

    Ainsi parle Orox.

  7. Orion-e dit :

    « il doit y avoir deux espèces qui coexistent : les uns comme les dieux épicuriens, ne se souciant pas des autres » Ainsi parlait l’autre là, Zarachose.

    En tant que Surhumaine, je peux comprendre votre besoin de communauté avec vos semblables.

  8. Orphée dit :

    Orox encore bravo mais une question me trotte, là, tout en haut dans le truc qui me sert de cerveau: quelle est la marque de l’appareil de Cruela ? je veux le même ! ;-)
    Oui j’avoue, j’adore l’écriteau « Viva America ! » :-)

  9. NEMROD34 dit :

    Je suggère pour l’exemple Nemrod, puisqu’il s’interpose sans humour dans votre réjouissant Delirium.

    Ce n’est pas parce qu’il t’échappe qu’il n’y a pas d’humour …

  10. Orox dit :

    Orphée: Il s’agit du tout nouveau hyper téléphone portable de marque Puerilox 666. Parmi ses récentes innovations, il peut servir désormais à mesurer le taux de glycémie chez les diabétiques, détecter les trésors enfouis, il sert aussi de polygraphe, de moissonneuse-batteuse et vous savez pas le plus beau: on peut même parler dedans et communiquer avec d’autres personnes À DISTANCE, s’il vous plait! :-)

    :-)

  11. Améthyste dit :

    Orox,

    A vous lire, je me demande si vous êtes bien sur Terre.?
    Sérieux,c ‘est rassurant au fond, j’ en reste la plus délire avec mes expériences1007,classées MICRO-INTELLIGENCE.

    A Zonzon34 petit aileron
    Bisous-Sois sage!!!

    Bonnes vacances!!
    Améthyste

  12. Orphée dit :

    « on peut même parler dedans »
    Mon Dieu ! la techenaulogie deaujourdui … et je suppose que toutes ces fantastiques découvertes ont bien entendu été empruntées à la zone 51. Miss Cruella aurait-elle une toute petite part de responsabilité dans la prolifération des vibros zotomatiques ? nous le saurons bientôt dans « le journal des cruelles confidences » de Zorox Le Terrible ;-)

  13. Gil dit :

    J’adore votre récit j’attend avec impatiente la suite !

  14. hendidi dit :

    Wow! j’aime votre histoire,que j’aimerais être a votre place,C’est quelque chose d’énorme,surtout en pensant d’être surpris a tout moment!.Du courage,de la volonté,et du savoir faire pour aller jusqu’au bout, Imaginez! je n’ai pas encore lu la suite,je ne sais pas trop comment faire ( J’ai 80 ans ) pour avoir la suite de votre aventure.Je sais que vous allez réussir , cette zone 51 que j’ai lu presque tout ce que je trouvais sur la zone 51,zone avec probablement des extraterrestres et des soucoupe qui pourront en fabriquer maintenant qu’ils ont la recette,surtout la bonne recette!!.Bonne chance,et je vais essayer de trouver la suite de votre histoire.Bye,73 comme dit en radio-amateur,que je suis depuis 1960,88 aux dames.Henriot