L’expérience mystique examinée au scanneur (par Mario Beauregard)
L’expérience mystique possède-t-elle une signature neurologique? Et si c’était le cas, une zone bien précise du cerveau serait-elle activée lorsqu’une personne vit une «expérience mystique»? (J’ouvre une parenthèse pour préciser que je m’intéresse ici à la modification de conscience potentiellement provoquée par ces expériences, et non pas à l’aspect religieux de la chose – voir la remarque au début du billet Prière et guérison: une nouvelle étude qui va faire des vagues.)
Voilà. Des chercheurs de Montréal, dirigés par Mario Beauregard (photo ci-contre), se sont donc penchés sur cette question et publient les résultats de leurs expériences dans l’édition du 25 septembre de la revue Neuroscience Letters.
Conclusion : il n’existe pas de région spécifique du cerveau qui serait activée lors d’une expérience mystique. Pendant ces états altérés de conscience, les sujets montrent une activation de plusieurs zones cérébrales – pas moins d’une douzaine, semble-t-il – qui sont normalement associées à d’autres fonctions, par exemple les émotions, la conscience de soi et la représentation corporelle. Ce résultat apporte une lumière nouvelle sur cet état de conscience car des données précédentes (stimulation de zones cérébrales et lésions) suggéraient qu’une zone bien définie du cerveau était responsable des «expériences mystiques».
Pour parvenir à ces conclusions, Mario Beauregard (chercheur agrégé aux départements de psychologie et de radiologie de l’Université de Montréal, et directeur du Laboratoire de neuropsychologie de la conscience et des émotions) et son collègue Vincent Paquette ont examiné au scanneur fMRI (imagerie par résonance magnétique) une quinzaine de soeurs carmélites alors qu’elles tentaient de revivre une expérience mystique pour les besoins de la recherche.
Pourquoi «revivre» plutôt que «vivre»? Le communiqué émanant de l’Université de Montréal explique d’une part que les religieuses ne peuvent pas provoquer volontairement ces expériences et que, d’autre part, des recherches auraient démontré que le fait de revivre un événement «active les mêmes régions du cerveau» que l’expérience originale.
Dans Forum, le journal de l’Université de Montréal (volume 41 – numéro 1 – 28 août 2006), on ajoute que, dans une phase précédente d’une recherche avec des carmélites, les chercheurs ont apparemment noté un lien entre cet état de conscience et les ondes cérébrales à l’électroencéphalogramme : le fait de revivre une expérience mystique «était accompagné d’ondes lentes thêta et delta respectivement et normalement associées aux périodes de l’endormissement et du sommeil profond», indique Daniel Baril dans son article «Il n’existe pas de module de Dieu dans le cerveau». Pour Mario Beauregard, ce résultat suggère que les religieuses «ne simulaient pas leur état» (il semble éliminer la possibilité d’une sieste au laboratoire – pour les visiteurs occasionnels, il s’agit d’une plaisanterie).
Toujours selon Forum, ces nouveaux résultats indiqueraient une différence très nette entre l’expérience mystique des carmélites et l’état méditatif de bouddhistes examiné lors de recherches antérieures (citation de Mario Beauregard dans l’article de Forum): «Chez les carmélites, l’expérience d’union avec Dieu n’est pas associée uniquement au lobe temporal; l’expérience est soutenue par plusieurs régions et systèmes cérébraux, et ces centres ne sont pas propres à la spiritualité. Il n’y a pas de « module de Dieu » dans le cerveau.» Fait notable : les méditants bouddhistes disent ressentir une expérience fusionnelle qu’il est difficile de ne pas rapprocher avec celle des religieuses.
Toujours est-il que Mario Beauregard fait une mise au point sur les implications de ces derniers résultats de recherche : «Cela ne diminue pas la signification et la valeur de ce type d’expérience, pas plus que cela confirme ou infirme l’existence de Dieu». En effet, mais il était bon de le préciser…
Connaissiez-vous Mario Beauregard? Comme vous venez de le constater, c’est un chercheur hors du commun et vous pourrez en découvrir davantage sur sa personne dans le site de Radio-Canada, dans le reportage «Que se passe-t-il dans la tête des mystiques? On en parle avec le neuropsychologue Mario Beauregard» de l’émission Macadam Tribus du 10 mai 2004.
Dans cet entretien, M. Beauregard parle de la première phase de la recherche avec les carmélites (expérience mystique et électroencéphalogramme) et des raisons qui l’ont poussé à s’intéresser à ces sujets de recherche. Il mentionne également que ce projet a été financé par la Fondation John Templeton à hauteur de 100 000 $. Au passage, c’est cette même fondation qui a financé la recherche sur la prière et la guérison dont je parlais au début de ce billet.
Actuellement, Mario Beauregard prépare un projet de recherche sur l’expérience de mort imminente (EMI ou NDE). Voir Expérience de mort imminente (NDE): quels effets dans le cerveau? et Entretien vidéo sur l’expérience de mort imminente.
Lire aussi:
- Lisa Williams: voyante et médium, ou mentaliste?
- Expériences de mort imminente: survie de la conscience ou délire d'un cerveau mourant?
- Entretien vidéo sur l'expérience de mort imminente
- Expérience de mort imminente (NDE): quels effets dans le cerveau?
- Expérience de mort imminente (NDE) et rêve: des chercheurs établissent un lien
Ce type d’expérience est malheureusement assez lamentable, les personnes les menant n’ayant même pas les bases concernant les états de conscience qu’ils sont censés étudier. (Il en est d’ailleurs de même avec les expériences menées sur l’art). On frise donc chaque fois le ridicule. Quel crédit accorderait-on à un ornithologue qui n’aurait des oiseaux qu’une connaissance livresque ou un ethnologue qui parlerait des Papous sans être jamais allé en Papouasie ? (ce dernier fait est tristement plus courant)
Et encore, les connaissances des expérimentateurs ne sont même pas documentées : elles sont du niveau du ragot général. Pour eux, l’ »expérience mystique » est un tout et on confond les expériences des catholiques et des bouddhistes. Elles sont pourtant fondamentalement différentes. Et sous la rubrique « méditation », on fait un mégamix qui tourne autour de la relaxation alors qu’il existe des tas de méditations différentes, avec des moyens différents et des buts différents.
Tout cela est assez attristant et me rappelle cette recherche récente sur la Joconde, où les « savants » ont finalement découvert que l’effet « inimitable » qui, selon eux, donnait toute la valeur artistique du tableau, à savoir le fait que les yeux suivaient le spectateur (on voit là la profondeur de leur jugement esthétique), pouvait se retrouver sur n’importe quelle photo de famille, pourvu que le sujet regarde l’objectif.
Bonjour Dado,
L’avenir vous donnera peut-être raison en ce qui concerne les différences que vous citez (chrétiens – bouddhistes; types de méditations), mais n’oubliez pas que la recherche dans ce domaine est encore embryonnaire. Ces expériences sont peut-être réductrices mais elles ont au moins le mérite d’être basées sur des paramètres mesurables objectivement, ce qui ouvre la voie à une démarche de recherche scientifique (contrairement aux connaissances basées sur des expériences personnelles).
«L’intérêt de M. Beauregard pour ces questions est enraciné dans des expériences personnelles. « J’ai eu des expériences spirituelles depuis mon enfance », dit-il, précisant qu’il n’est pas particulièrement religieux.» Cf.
http://www.cyberpresse.ca/arti.....PACTUEL03/
608310828/5105/CPACTUEL03
Ce blog a au moins un intérêt à mon sens, celui de montrer que l’âme mature, telle qu’elle était conçue par les théologiens, se manifeste matériellement, biochimiquement par l’activité de neurotransmetteurs dans des zones diverses du cerveau, une dizaine, SIMULTANEMENT, ce qui implique un fonctionnement anormal de ce dernier. L’hypothèse de la véracité, du bien fondé d’une démarche, voire d’un cheminement spirituel, est fondée.
Bonjour Cularopolis,
Cette expérience suggère uniquement que l’expérience mystique (ou plus précisément le fait de «revivre» une expérience mystique) provoque une stimulation de plusieurs régions du cerveau, contrairement à des recherches précédentes (notamment sur la méditation) qui indiquaient qu’une zone cérébrale bien précise était activée.
Cette recherche sur l’expérience mystique ne permet donc pas de tirer des conclusions en ce qui concerne l’éventuelle existence d’une âme humaine ou d’un Dieu. (Ce blog a donc moins de mérite que vous ne le pensiez)
Du « vécu » dans l’art du doute et du questionnement inlassable sur les EMC:
http://www.forum-zetetique.com.....;offset=40
Bonjour, pour moi, le conscient est un organe sensoriel, et l’inconscient nous mènent là, où certains hommes vont vers l’inexpliqué pour certains, mais bien le réel dans une autre vie, « dimension » .Mais pourquoi l’homme cherche le vérité dans la science? C’est absurde…Nous pouvons faire remonter l’origine à Spinoza, Gottfried Leibniz, et même à l’Antiquité! C’est une force vital invisible ! Mais peu la connaisse par manque de foi ! Bonne journée Lucye
Il est bien évidemment fort intéressant et légitime de se pencher scientifiquement sur tout ce qui bouge au sein de notre cerveau…
Mais les scientifiques ont fort tendance à épingler les papillons dans des boites en verre…
C’est aux mystiques, originalité de l’espèce humaine ou spécimens en marche vers « l’Oméga » de Teilhard De Chardin, de confronter leurs expériences, leurs données, afin d’anlyser les dites expériences par le biais d’une démarche scientifique et d’éclairer l’ensemble de l’humanité, à commencer par eux-même.