Les technologies futures du futur: la nonotechnologie!

Rédigé par Orox le — Publié dans Delirium paranormalis

Un de mes neveux âgé de 7 ans me demandait récemment:

- Oncle Orox, c’est quoi la sience?

Et je lui ai répondu:

- Alex, on ne dit pas la «sience», mais la science. Ils ne t’apprennent donc rien à l’école? Mais qu’est qu’ils foutent, ces bougres de fonctionnaires opportunistes beaucoup trop cher payés qui se mettent en grève continuellement et qui se servent de vous comme moyens de pression auprès de la population et du ministère de l’Éducation, tellement que c’en est dégueulasse?

- Ben… C’est Madame Dodue, notre prof. Elle nous a dit qu’elle et sa copine elles vont pouvoir avoir un petit bébé tout neuf grâce à la sience. Oups pardon! Je voulais dire la science… C’est compliqué ce qu’elle dit.

Pauvre Alex… Je ne sais pas encore ce que je vais lui répondre, mais je sens que ça ne va pas être de la tarte…

- Euh… Tu sais Alex, la science, c’est un truc qui nous permet de comprendre des choses. Je vais te donner un exemple: quand ton oncle Orox te dit de sortir dehors t’amuser avec ton cerf-volant parce qu’il veut parler avec la nounou, tu t’es jamais demandé ce qui se passait? Euh, je veux dire, qu’est-ce qui fait en sorte que ton cerf-volant vole comme par miracle?

Non mais! Admirez comment j’esquive cette question délicate! Toutes mes ex-femmes vous le confirmeront: je suis un as à ce niveau!

- Ben… C’est le vent, non? C’est le vent qui pousse sur le cerf-volant, et il monte en l’air tout seul. C’est comme de la magie.

- Pas du tout Alex, il y a une explication logique et c’est fascinant. Écoute bien. Lorsque le vent pousse sur le cerf-volant, il se produit une tension entre le cerf volant et la corde. C’est l’équilibre de cette tension entre la corde et le cerf-volant qui maintient celui-ci en l’air. On appelle cela la portance. C’est comme les ailes d’un avion, tu vois?

- Alors pourquoi les avions ils n’ont pas besoin de cordes pour voler, hein?

- Parce qu’ils ont des moteurs. Les hélices du moteur provoquent exactement la même chose que le vent sur le cerf-volant: une pression qui maintient l’avion dans les airs. C’est super, tu ne trouves pas?

Alex a l’air triste tout à coup. On dirait qu’il n’aime pas l’explication que je lui ai donnée.

- Qu’est-ce qu’il y a Alex? Ça ne va pas? T’aimerais que je te donne un autre exemple peut-être?

- Non, ça va… J’ai compris. Mais j’aimais mieux quand c’était de la magie!

- Tu sais Alex, il existe des tas de choses qu’on ne pourra pas expliquer avant des années et on peut quand même se dire que c’est un peu de la magie, tant qu’on n’aura pas d’explication. Et le fait qu’on puisse expliquer quelque chose ne voudra jamais dire que la magie n’existe plus. Elle s’est juste envolée un peu plus loin, comme ton cerf-volant, et elle nous attend quelque part.

Il se remet à sourire. Ouf! J’ai eu chaud! J’ai toujours pensé qu’il y a quelque chose de sacré dans l’imagination des enfants, et je m’en voudrais à mort de l’avoir désillusionné. La vie se chargera bien, lentement mais sûrement, de le transformer en vieux con aigri comme moi…

- Mais j’aimerais quand même te dire un truc de plus, mon petit bonhomme. Tu as sept ans, c’est ça? Eh bien, tu ne connais pas ta chance! Dans les prochaines décennies, tu verras des choses fabuleuses! Ce sera encore plus dément que la magie parce qu’on aura décidé nous-mêmes d’accomplir des prouesses techniques fabuleuses! On va marcher sur Mars! Les voitures se conduiront toutes seules sur l’autoroute! On va changer les déserts en forêts! On pourra enfin comprendre les femmes! Et les jeux vidéo, je te dis pas! Les joueurs seront immergés complètement dans des environnements 3D holographiques! Et tu verras tout ça Alex! Tu dois te poser la question: comment? Eh bien! je vais te répondre, mon neveu. Tout ça se produira grâce aux TECHNOLOGIES FUTURES DU FUTUR!!!

- Les technologies futures du futur? Tu veux parler des nouvelles sciences qui n’existent pas encore? Ça fonctionnera comment?

- Alex mon neveu, je vais te raconter une histoire fantastique. C’est une histoire qui se produit dans un futur pas très éloigné et les héros de cette histoire ne sont pas des chevaliers, des soldats ou des princesses hystériques qui s’imaginent qu’on les trompe dès qu’elles ont le dos tourné. Que nenni! Les héros de mon histoire sont des s-c-i-e-n-t-i-f-i-q-u-e-s. Tu sais, ces types en blouse blanche et à lunettes qui ne savent pas jouer au foot et qui n’arrêtent pas de quêter du financement à tout le monde? Ce seront eux les héros. Alors tiens-toi bien mon neveu, je vais te raconter l’histoire de la nonotechnologie depuis ses débuts il y a environ 700 ans jusqu’à euh… on verra bien. Alors j’y vais, commençons donc au tout début. Il était une fois, il y a très très longtemps…

Le paradoxe de Ringo Star

C’est bien connu, l’humanité fabrique de la science en quantité industrielle depuis des temps immémoriaux, et la tendance actuelle ne montre aucun signe d’essoufflement tant sont variées les nouvelles applications scientifiques qui envahissent notre quotidien. Que ce soit les récentes percées de l’origami, du jeu de main «roche, papier, ciseau» ou des nouvelles et succulentes recettes de la cuisine thaï, la science nous propose régulièrement un large éventail de découvertes qui viennent enrichir le patrimoine mondial. Ringo Star, un astronome célèbre du XIVe siècle, a dit un jour:

«Puisque j’ai établi de façon certaine que le nombre total d’étoiles au firmament est de 1000 et pas une de plus, nous pourrons désormais porter notre regard vers l’autre grande direction fondamentale car je suis persuadé que l’infiniment petit recèle beaucoup plus de choses grandioses que le cosmos, toutes proportions gardées bien sûr…»

Ringo Star ne croyait pas si bien dire. Et si on effectue un survol de tous les grands développements scientifiques qui se sont produits depuis son époque, on constatera sans peine qu’il était vraiment un visionnaire très en avance sur son époque: n’a-t-il pas prédit l’apparition de la nonotechnologie, un soir de beuverie?

«J’étais en train de vomir dans les gogues quand m’est venue cette idée de génie, qui postule que chaque élément qui compose notre monde est lui-même composé d’autres éléments: et que si on les décompose jusqu’à leur plus simple expression, il ne restera de tout ça qu’une petite particule de base sur laquelle est construite l’univers entier. J’avoue qu’après avoir vu mon repas réduit à sa plus simple expression lors de cette fête a été l’origine de cette intuition folle qui marquera la science à jamais, j’en suis sûr.»

Ringo sentait vraiment le potentiel de cette idée. Je le cite: «Je sens vraiment le potentiel de cette idée». Que dire de plus? Après avoir réfléchi de nombreuses années aux multiples implications de sa découverte, il sera en mesure de clore brillamment ce chapitre de l’histoire scientifique en illustrant de façon claire ce qui est devenu le célèbre «Paradoxe de Ringo Star», qui pose les premiers jalons d’une définition sensée de la nonotechnologie et de ses retombées dans l’histoire humaine.

«Puisque le microscope n’a pas encore été inventé et que de toute façon mes idées ne semblent pas encore avoir l’impact qu’elles méritent, je ne puis m’empêcher de me demander pourquoi, lorsque j’énonce que le développement de l’étude de l’infiniment petit passe par une croissance exponentielle des données disponibles par le biais d’instruments techniques qui nous permettront littéralement de «voir» cet infiniment petit, il y a une contradiction flagrante. Si par exemple j’ai besoin de réduire constamment l’échelle en pénétrant toujours plus loin, à un niveau qui est donc de plus en plus minuscule, pourquoi alors dit-on que les découvertes «augmentent» de façon exponentielle? De plus en plus minuscule signifie «moins», mathématiquement parlant, et d’un autre coté, si un instrument technique comme un microscope nous permettait d’en voir «plus», n’y a-t-il pas là un non-sens puisque la logique prédirait normalement que plus on réduit l’échelle du sujet d’étude, moins on en découvre parce que c’est de plus en plus petit, principalement parce que moins il y en a, moins il y a de chose à voir? Bref, j’y perds mon latin, quoique je n’aie jamais parlé cette langue…»

On ne peut que rester pantois d’admiration devant une telle puissance d’analyse. Cette courte introduction a pour but de démontrer que, trois siècles après Ringo Star, nous nous apprêtons à franchir un nouveau cap dans la maîtrise de l’infiniment petit, et nul doute que le paysage humain en sera transformé de façon permanente. Une science nouvelle se prépare à révolutionner complètement nos habitudes de vie: la nonotechnologie.

Un Zorbe vient changer la donne

En 1997, Riccardo S. Minimaxi ne se doutait pas de la surprise qui l’attendait ce matin-là dans son laboratoire au MIT, dans la section dédiée à la recherche sur la physique des particules. Il arriva de très bonne heure comme à l’habitude et après avoir consommé ses huit cafés expressos habituels, il s’installa devant son microscope quantique à ondes pulsées sans se douter qu’il allait vivre l’événement le plus exaltant de sa carrière. Il étudiait depuis quelques semaines la façon de réduire encore plus la taille d’un dé à coudre. En effet, il existait depuis quelques années une compétition amicale entre scientifiques américains et japonais visant à réaliser le plus petit dé à coudre en état de marche, et le modèle de Riccardo, de l’ordre du centième de millimètre, était le plus petit, donc le plus prometteur de tous.

Il s’installa donc devant son microscope, installa la lamelle et se prépara à manipuler son micro-dé à coudre. Il enleva ses lunettes, et se pencha vers l’objectif binoculaire. Au bout d’un moment, il releva la tête et se frotta les yeux, puis regarda de nouveau.

- Il n’est pas là.

Derrière lui, Bob Tempaks, son collègue, mangeait un sandwich au thon.

- Qu’est-ce qui n’est pas là Ric? Ton désir de travailler consciencieusement? et il s’esclaffa.

- Le micro-dé à coudre. Je te dis qu’il n’est plus là. C’est pourtant la bonne lamelle, elle est identifiée correctement. Quelqu’un est venu tripoter mes affaires ou quoi?

- La focalisation est bonne? Le diaphragme d’ouverture ne serait pas trop vaste par hasard?

- Je connais mon métier Bob, et je te dis que le dé n’est plus là! C’est à n’y rien comprendre. C’est incroyable: tous les marqueurs sont présents sur l’image sauf le micro-dé!

Bob déposa son sandwich, s’essuya les doigts avec un petit napperon en papier et s’approcha du bureau de Riccardo.

- Tu me fais une blague hein? Pousse-toi un peu, je vais regarder ça… mmm… Voyons voir…

À son tour, Bob s’installa devant l’objectif. Il resta figé pendant quelques secondes, puis se releva violemment vers l’arrière en heurtant au passage une fausse plante verte qui traînait sur une étagère à côté du bureau pour atterrir sur son derrière, le regard ahuri.

- Aaaaaahhh!!!

- Qu’est-ce qu’il y a Bob? On dirait que tu viens de voir ma belle-mère! Mais t’es blanc comme neige ma parole!

Son collègue était assis par terre et d’une main tremblante, il pointait le microscope quantique à ondes pulsées. Il avait l’air vraiment secoué.

- Re… R… Reuh… Rrrr!

- Quoi Rrrrrr? T’as des problèmes de démarreur?

- Re… Regarde!

Riccardo s’avança et prit place devant le microscope, et approcha très doucement sa tête de l’objectif, comme à contre-coeur. Au bout de quelques secondes, il soupira bruyamment et laissa s’échapper cette expression, devenue célèbre depuis dans les milieux scientifiques:

- Putain de bordel de bon Dieu de merde! C’est incroyable!

En exclusivité sur le Blog du Paranormal et de l’Insolite, voici ce que Riccardo S. Minimaxi a vu ce jour-là:

Chers auditeurs, il convient ici de faire une mise en garde. Si vous êtes facilement impressionnable, sujet à des cauchemars ou susceptible d’avoir des troubles cardiaques, je ne saurais trop vous recommander de ne pas regarder la prochaine image, qui est historiquement la première véritable photo d’un Zorbe à avoir été rendue publique par le M.I.T. Vous êtes prévenus et ne venez pas pleurer si vous subissez un choc post-traumatique par la suite.

Entre-temps, Bob s’était relevé et se tenait près de Riccardo, l’air anxieux.

- Alors? J’ai pas rêvé, hein Ric? C’est quoi au juste? Un animal? Une blague des Japs? Une nouvelle espèce de bactérie intelligente? Un nouveau virus mutant?

- Ça ne peut pas être un animal, une bactérie ou même une molécule, l’échelle de grandeur est située tout juste au-dessus du niveau de l’atome. Ce qu’on voit là, c’est environ cent mille fois plus petit qu’une simple cellule… On dirait qu’il me regarde… Et le plus dingue, c’est qu’il tient une petite pancarte sur laquelle est écrite «Bonjour»! Je vais faire un truc Bob: je vais relayer l’image en «Live» sur l’écran central du bureau, tu pourras donc suivre en direct ce qui se passe.

- OK, Ric. Je vais aussi enregistrer tout ça, cela va sans dire. Ça commence à sentir le Prix Nobel pour nous je te le dis! et il ricana nerveusement.

- Il vient de bouger… Il regarde autour de lui… Oh! Il vient de sortir une autre pancarte! Ça dit: «Merci pour le dé à coudre, j’en avais besoin». Je rêve! C’est de la science-fiction! Il essaie de communiquer avec nous! Ben mon vieux, je n’aurais jamais cru voir un truc semblable de ma vie.

Bob fixait l’écran central avec émotion. Il s’imaginait déjà à Stockholm, recevant le prix Nobel de Physique. Quelle fierté ce serait pour lui et sa famille!

- Il faudrait trouver le moyen de lui répondre, dit-il. Ce truc est visiblement intelligent et il sait qu’on est là à le regarder, mais la communication est unidirectionnelle. A moins que… Ric! Tu te rappelles cet étudiant dont j’avais plagié les travaux après l’avoir convaincu qu’il faisait fausse route?

- Et comment! Et c’est grâce aux travaux de ce crétin qu’on avait pu embaucher du personnel fictif grassement subventionné par l’état. Au moins eux, on peut les manipuler. C’est pas comme le secteur privé… Mais pourquoi tu me demandes ça au juste?

- Parce que sa thèse portait justement sur la transmission des ondes hertziennes au niveau subatomique. Et il avait bricolé un truc, un genre de transmetteur qui permettait de réduire la taille de ces ondes. Je parie qu’on pourrait s’en servir pour parler avec ce microbe!

- Ça ne coûte rien d’essayer… Vas-y Bob, branche ce transmetteur, on verra bien ce que ca donne. Tiens… Il n’a pas l’air content tout à coup! Il sort une autre pancarte!

Riccardo se mit à réfléchir à toute vitesse. De toute évidence, le truc les entendait mais eux ne pouvaient pas l’entendre. Sa petite pancarte disait «Je suis un Zorbe». C’était quoi au juste, un Zorbe? Un extraterrestre miniature? Une particule vivante issue d’une autre dimension? Mais quoique ce fût, c’était indéniablement intelligent. De son côté, Bob termina de brancher le transmetteur hertzien subatomique. Ce transmetteur, associé au microscope quantique à ondes pulsées allait peut-être permettre de dialoguer avec le Zorbe en «Full Duplex», c’est-à-dire de façon bidirectionnelle simultanée, comme un simple téléphone.

- Voilà… Je vais maintenant initialiser le transmetteur et nous saurons dans quelques instants si ça marche. Ric, prends ce micro, et tu pourras commencer à parler au Zorbe à mon signal.

Quelques secondes passèrent pendant lesquelles Ric attendit anxieusement le signal de Bob. Celui-ci effectua quelques réglages, puis regarda son collègue et lui dit tout simplement:

- OK, ça fonctionne. Vas-y Ric! Dis-lui quelque chose!

Riccardo s’éclaircit la voix en toussotant nerveusement, puis prononça ces mots célèbres, entrés depuis dans la légende:

- Hemhemhem… Bonjour Monsieur le Zorbe. Heu… Nous venons en paix. Ça va comme vous voulez? Vous aimez votre dé à coudre?

À ces mots, le Zorbe laissa tomber sa mini-pancarte, tomba à genoux et se mit les mains sur les oreilles, un peu comme s’il entendait un coup de tonnerre très violent. Il attendit que Riccardo termine sa phrase, puis se redressa et répondit avec colère, d’une étrange voix très aiguë:

- C’est pas la peine de hurler comme ça, connard! Tu vas réveiller toute la maisonnée! T’es cinglé ou quoi?

Riccardo s’écarta du micro et gronda à l’adresse de Bob.

- Mais baisse le volume, merde! Il a failli perdre connaissance! Si on le perd, on pourra dire adieu à notre prix Nobel.

- Compris. Je diminue donc le volume de 75%. (Il tripota un bouton.) Voilà. Tu peux y aller de nouveau.

- Ça va comme ça, Monsieur le Zorbe? Vous m’entendez bien quand même?

- Je t’entends très bien. Mais arrête un peu de m’appeler «Monsieur le Zorbe», c’est ridicule et t’as l’air d’un demeuré. Est-ce que je t’appelle «Monsieur l’humain», moi?

- Euh… d’accord. Comment doit-on vous appeler?

- Je m’appelle Henri… Ainsi donc, vous avez enfin réussi à nous trouver. Toutes mes félicitations! De notre côté, nous sommes au courant de votre existence depuis longtemps. Vu votre taille, il est tout simplement impossible de ne pas vous remarquer, vous les humains.

- Mais qu’est-ce que vous êtes au juste? Comment connaissez-vous notre langage? Vous vivez comment? Avez-vous une sorte de chef? Qu’est ce que vous mangez pour vivre?

- On peut dire qu’il est curieux, celui-là. Alors écoute-moi attentivement mon grand: je dirai tout simplement que nous sommes des Zorbes, que nous vivons parmi vous depuis des lustres et que nous sommes la cause de bien des phénomènes qui vous apparaissent étranges ou inexpliqués. Vous les humains, vous regardez depuis longtemps le ciel et les immensités cosmiques à la recherche de réponses à vos questions sans vous douter un seul instant qu’ici, tout près de vous et à une échelle nonométrique se trouve une société organisée et très en avance sur vous. Lorsque je suis tombé sur votre dé à coudre, j’ai compris que vous étiez devenus suffisamment évolués et qu’il fallait que nous prenions contact. Alors me voilà! Et ouvrez grand vos oreilles car j’ai des exigences à vous formuler!

La situation était extraordinaire! En principe, une nouvelle rencontre entre deux civilisations est caractérisée par le fait que chacune d’entre elles possède son propre espace qui est totalement inconnu de l’autre, et ce qu’il y avait d’extraordinaire dans ce cas-ci était que les humains et les Zorbes partageaient exactement le même espace, bien qu’avec une différence d’échelle immense.

- C’est d’accord Henri. Pouvez-vous m’attendre un instant? Je dois parler à mon collègue qui est assis à côté de moi. Je vous reviens dans deux minutes, ça vous va?

- Vas-y mon grand. Deux minutes pas plus, et t’as intérêt à revenir me parler après ce délai.

Riccardo fit signe à Bob de fermer le micro du transmetteur hertzien subatomique et il s’approcha de lui.

- Alors, qu’est ce qu’on fait? Sincèrement Bob, je commence à croire que cela dépasse notre mandat. Il s’agit de toute évidence d’une créature intelligente, quoique minuscule. Et tu as entendu le ton qu’il prend avec nous? Il n’a pas l’air intimidé du tout, je me demande ce qu’il cache dans son jeu. En tout cas, je n’aime pas ça… ça sent mauvais.

- Moi non plus, je n’aime pas ce petit arrogant… Je suis sûr qu’il bluffe. Mais n’oublions pas qu’il est quand même quatre millions de fois plus petit que nous… il ne peut pas être bien dangereux. Et penses-y: il est coincé dans la lamelle du microscope sans pouvoir sortir, il fait donc semblant de maîtriser la situation mais il doit suer de peur intérieurement. J’ai bien envie de lui mettre les points sur les «i» et lui montrer à qui il a affaire, ce petit prétentieux.

- Tu oublies une chose. Si on entre en conflit avec lui sans savoir comment ça va finir, on met en danger notre prix Nobel, et si on avertit les autorités, ce sera la même chose!

Bob regarda sa montre.

- Il nous reste une minute. Il faut se décider, et je n’ai aucune idée de ce que nous devrions faire. Désolé Ric…

- Mais bon sang Bob! Nous sommes des scientifiques, non? Nous sommes donc beaucoup plus intelligents que la moyenne des gens. Alors j’ai trouvé ce qu’il faut faire, moi!

Riccardo commença fouiller l’intérieur de ses poches et en sortit son porte-monnaie, l’ouvrit et saisit une pièce qu’il montra à Bob.

- Alors si c’est pile, on ramène ce microbe à l’ordre et il fera ce qu’on lui demande. Si c’est face, on prévient la CIA et advienne que pourra de notre prix Nobel. Pour la science?

- Pour la science!

Riccardo lança en l’air la pièce de monnaie.

Où l’avenir de l’humanité se joue à pile ou face

- Merde! C’est pile! Lequel d’entre nous deux va y aller? demanda Riccardo.

- T’occupe… J’y vais. Et le fait d’entendre une nouvelle voix dans le transmetteur aura un effet psychologique certain, j’en suis sûr. Il va trouver à qui parler ce sale petit virus!

Bob prit la place de Riccardo devant le micro. Il remit le volume un peu plus fort qu’auparavant, respira profondément et se lança.

- Écoute, minus, je ne te le dirai pas deux fois. Pour commencer, tu vas changer de ton avec nous. C’est pas un sale petit microbe de merde qui est quatre millions de fois plus petit que nous qui va faire la loi ici, dans notre labo.

Le pouce bien en l’air, Riccardo lui fit un signe d’encouragement qui l’invitait à continuer dans cette voie.

- Et c’est pas tout. Tu es coincé sur cette lamelle de microscope qui est tellement grande pour toi que tu ne pourrais même pas t’en échapper même en courant pendant mille ans. Tu vas donc faire tout ce qu’on te dit, à commencer par cesser de nous parler comme si on était de la merde, et si t’es pas d’accord dis-le tout de suite. Parce que dans ce cas, puisque que tu n’aimes pas le bruit, je t’enverrai en loop «Ça plane pour moi» de Plastic Bertrand 75 fois d’affilée à 120 décibels. On verra par la suite si tu deviens plus coopératif. Vu?

Henri le Zorbe ne répondait rien et se contentait de sourire en regardant fixement le centre de l’écran, et Bob avait l’impression qu’il le regardait directement dans les yeux bien que ce fut impossible. Il garda son sourire encore quelques secondes, puis son expression changea brusquement. Et c’est d’une petite voix toute frêle qu’il articula doucement:

- C’est tout Bob? Rien d’autre?

- Non. J’ai pas terminé. Dans quelques heures, il viendra ici beaucoup de journalistes et ils voudront te parler. Je vais te dire ce que tu vas faire. On va te concocter un petit texte que tu vas leur répéter mot pour mot. Autrement dit, si t’es sage tout ira bien pour toi. Sinon, c’est Plastic Bertrand qui t’attend à plein volume. Qu’est ce que tu choisis?

Riccardo sourit à Bob et lui lança:

- Notre prix Nobel de physique est dans la poche, mon vieux! T’as vu? Il n’a même pas essayé de t’interrompre! C’est gagné!

Bob reprit le micro.

- Alors minus, ta réponse? Tu collabores ou on envoie la musique? C’est comme tu veux, mais surtout tu réponds tout de suite.

Le Zorbe avait l’air désolé. Il regarda l’écran puis murmura presque:

- Alors mon grand, tu ne me laisses pas le choix. Je vais maintenant te montrer qui est le maître ici.

Henri sortit de son drôle de vêtement un petit appareil ressemblant à s’y méprendre à un téléphone cellulaire, mais quatre millions de fois plus petit.

- Allo Louis? Henri à l’appareil… Non… Ces deux cons ne veulent pas collaborer, j’en étais sûr. Donc, tu peux y aller: fous le réseau informatique par terre, éteins les lumières et verrouilles les portes du labo, il va y avoir du sport!

Il referma son mini-cellulaire d’un claquement sec, et regarda l’écran avec une lueur cruelle dans les yeux.

- Y a un truc que vous n’avez pas compris. Primo, nous sommes des millions de milliards de fois plus nombreux que vous. Secondo, notre petite taille nous permet de nous glisser très facilement dans n’importe lequel de vos systèmes informatiques et de manipuler chaque bit de donnée comme bon nous semble. Ça vient d’où les virus informatiques d’après vous, hein? Tertio, tout comme on peut manipuler facilement vos données informatiques, on peut le faire tout aussi facilement avec les neurones des humains puisque nous pouvons facilement nous transporter dans vos cerveaux minables, toujours grâce à notre petite taille. Vous prenez un verre d’eau par exemple, et hop! Il y a soudain 100 000 Zorbes entraînés à la guérilla et prêts à tout dans votre organisme! Qu’est-ce que vous dites de ça, hein?

Soudain, toutes les lumières s’éteignirent à l’unisson, laissant la grande pièce dans une semi-pénombre où ne brillaient plus que les écrans des ordinateurs. Bob regarda anxieusement Riccardo, dont il distinguait vaguement la silhouette à quelques pas de lui.

- Il bluffe, Ric. Allez, on lui met «Ça plane pour moi» à pleins gaz! Go!

Riccardo commença à tripoter les commandes du transmetteur, effectua la sélection de la musique, mit le volume à fond et cliqua sur «Play».

- Alors, ça vient? dit Bob nerveusement. Il n’y a pas de signal radio, je te fais remarquer. Vas-y! Clique! Démarre la chanson!

- Attends un peu bon sang! On n’y voit rien! Je ne comprends pas. Il ne se passe rien! On dirait que le logiciel ne fonctionne pas. Attends, je vais redémarrer le programme et ça devrait aller cette fois.

Pendant ce temps, Henri le Zorbe ne semblait pas inquiet le moins du monde. Il sifflotait, mine de rien, tout en s’affairant à fouiller dans un petit sac à ses pieds. Il en retira un cache-oreilles antibruit qu’il installa nonchalamment sur sa tête, puis il fixa l’écran avec un grand sourire méchant. Bob haussa le ton.

- Alors elle arrive cette musique, merde? Notre petit copain continue à sourire comme un idiot en me regardant, et j’ai bien hâte de voir son expression changer!

- OK, le logiciel vient de redémarrer. Attention… Ça y est! Tiens Henri, amuse-toi bien!

Riccardo cliqua sur «Play». Aussitôt la musique démente et la voix nasillarde de Plastic Bertrand se firent entendre à un volume formidablement élevé dans le labo, et non pas dans la lamelle du microscope. Riccardo et Bob sursautèrent à l’unisson, comme s’ils venaient d’être frappés par la foudre. Le saxophone et la guitare se mirent à rugir comme le tonnerre. Riccardo et Bob tombèrent de leur chaise, essayant d’étouffer le bruit en se mettant les mains de chaque côté de la tête.

«Ça plane pour moi! Ça plane pour moi! Ça plane pour moi! Moi! Moi! Moi! Moi! Hou hou hou hou! Ça plane pour moi!»

Sur l’écran, Henri le Zorbe se mit à danser en suivant le rythme. Il était très doué: il faisait même le fameux «Moonwalk» popularisé par le célèbre Michael Jackson. Il avait même ressorti une de ses petites pancartes où était écrit «Ça plane pour moi», pendant qu’il dansait.

Au bout d’environ trois minutes, la pièce musicale se termina. Les deux scientifiques reprirent leur souffle pendant quelques secondes, puis se ruèrent vers la porte de sortie et tentèrent de l’ouvrir mais peine perdue: c’était verrouillé. À demi confus ils se regardèrent, complètement paniqués.

- Il a manipulé le réseau informatique, ce sale petit virus! Il faut faire quelque chose Bob, sinon on est cuits!

- Je vais tâcher de trouver un objet contondant et détruire le matériel audio ainsi que le microscope et la lamelle! C’est notre seule chance!

Puis la pièce recommença à jouer, un peu plus fort qu’auparavant. Les fenêtres vibraient au rythme de la musique dans un boucan d’enfer. Cette fois, Bob dénicha un marteau et se dirigea péniblement vers les microscopes tandis que Riccardo restait prostré par terre, complètement paniqué. Bob était à ce point désorienté par le vacarme qu’il ne savait plus sous quel microscope était déposé la lamelle qui contenait le Zorbe aussi, il se mit à taper de toutes ses forces sur tous les équipements de labo à sa portée. Bang! Vlan! Les débris de métal et de verre s’éparpillaient partout. La musique faisait toujours rage.

«Ça plane pour moi! Ça plane pour moi! Ça plane pour moi! Moi! Moi! Moi! Moi! Hou hou hou hou! Ça plane pour moi!»

À l’extérieur du labo, on s’agitait. On cogna très fort à la porte du laboratoire, mais en vain. Le bruit résonnait puissamment dans tout le bâtiment, à un point tel que tous les employés cessèrent le travail et l’immeuble fut évacué.

Quelqu’un appela les pompiers, qui arrivèrent toutes sirènes hurlantes au bout de deux minutes 30 secondes approximativement. Au moment où ils enfoncèrent la porte, la musique s’arrêta, confrontant les pompiers à une véritable vision d’horreur: Riccardo était assis par terre en pleurant tandis que Bob continuait à taper comme un sourd sur le matériel du labo, causant pour des millions de dollars de dommages. Les pompiers se jetèrent sur Bob et l’immobilisèrent, tandis que leur capitaine déambulait dans la pièce en regardant l’état des lieux avec effarement. Sur un des rares écrans qui n’était pas encore détruit, on voyait un petit bonhomme rouge qui dansait en tenant une pancarte sur laquelle était écrit: «Tu brûles, Bob!»

- Saleté de jeux vidéo! grogna le capitaine des pompiers. Ils en deviennent tous dingues à la longue!

Et il éteignit l’écran.

- Oncle Orox, elle est bizarre ton histoire. C’est vraiment ça la science? Des petits bonshommes débiles, de la musique de cinglé et des scientifiques barjos?

– Bien sûr que c’est comme ça! Et à chaque jour en plus! Il y a beaucoup d’action dans ce genre de boulot, c’est normal. Tu as déjà joué à Half-Life, Alex?

– Oh oui! Super ce jeu!

– Ben tu vois? C’est le genre de trucs qui arrivent toujours aux scientifiques.

– Et qu’est-ce qui est arrivé à Riccardo et Bob? Ils sont morts?

– Bien sûr que non. Bob a été réintégré dans ses fonctions avec une cote de très haute sécurité et Riccardo est devenu directeur du labo. Ils sont malins ces deux-là, crois-moi. Rien ne les arrête.

– J’ai une dernière question, Oncle Orox.

– Enfin! Euh… je veux dire, vas-y… je t’écoute.

– Ça n’existe pas les Zorbes, hein? T’as essayé de me faire marcher? Et les scientifiques non plus, ils ne vivent pas comme James Bond n’est-ce pas?

– Bien sûr que non, mon neveu! Mais avoue-le: tu y as presque cru!

Alex se met à rire de bon coeur. Ah! Quel bonheur d’inculquer un peu de cette solide et très cartésienne bonne vieille science dans l’esprit de cet enfant! Il se couchera moins con ce soir, ça c’est sûr. Et tout ça grâce à moi!

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8 réponses à “Les technologies futures du futur: la nonotechnologie!”

  1. airik dit :

    Tu as un grand avenir dans l’écriture Orox.

    Essaye d’écrire des nouvelles. Je te verrai bien comme le nouveau « Stephen King », pour la plume résolument moderne.

  2. NEMROD34 dit :

    Sur la chaine encyclopédia ça parlera de nanotechnologie en mars, plusieurs émissions:
    http://www.encyclopedia.fr/

  3. NEMROD34 dit :

    Ou je me suis trompé ou ça vient en plus , quoiqu’il en soit :
    http://documentaires.france5.f.....ur-de-nous

  4. Amé dit :

    Lol!!
    Nemrob aurait-il presque raison sur cet article Orox-machin_ bidule_chouette , en apportant le lien post3??
    Orox, vous êtes doté d ‘une superbe plume à ce que je vois!
    Ah!! les garçons, tournez-manège!

    Améthyste

  5. Aurel dit :

    yep je viens de récupérer l’émission. D’après le collègue c’est de la bonne vulgarisation tout public. c’est bien mais cela ne va pas très loin. Et plutot très démago!
    Mais un gros avantage de cette série est de faire un peu de pub. Il y en besoin avec ces imbéciles qui hurlent a tout va sans rien même savoir ni comprendre.

  6. Orion-e dit :

    Aurel, comment tu l’as récupérée? J’ai pas pu tout voir avant que la diffusion soit terminée(16 mars).

    J’ai plutôt aimé ce que j’ai vu jusqu’à maintenant. Je ne suis pas une scientifique, juste un public curieux, et pour ma part, ça a été une excellente façon d’éveiller l’intérêt sur le sujet.

    Les paradigmes de la chimie telle qu’on nous l’a enseignée, naguère, ont changé. Une mise à niveau ne fait pas de mal.

    Bonne vulgarisation tout public, je crois que c’était le but, non? Si oui, c’est réussi.

    Oh! et Orox, vraiment excellent ton delirium. ;-)

  7. Aurel dit :

    heu hum… un collègue l’a récupéré de son système de télé à la demande, voir enregistré en direct pendant. Je sais pas trop.
    sale magouille informatique en tout cas!! ;)

    oui je crois que c’est assez réussi.

  8. orion-e dit :

    Dommage, merci quand même! :-)